« Être un stratège en réseaux sociaux ne fait pas nécessairement de vous un bon stratège… »

Il paraît que 85 % des per­son­nes tra­vail­lant dans les réseaux soci­aux ont inté­gré ce secteur depuis moins de deux ans. Il me sem­ble que cette idée a été sug­gérée pour la pre­mière fois sur LinkedIn. Quoi qu’il en soit, cela expli­querait en grande par­tie pourquoi il cir­cule tant de mau­vais con­seils, de plans stratégiques mal pen­sés et d’argent gaspillé dans des cam­pagnes ratées.

L’ennui avec cette fonc­tion de stratège en réseaux soci­aux, c’est que tout le monde (du moins dans les cer­cles du mar­ket­ing numérique) trou­ve le titre très exci­tant, et pour­tant ce poste ne requiert absol­u­ment aucune qual­i­fi­ca­tion offi­cielle ou proces­sus établi de pro­mo­tion. D’où le nom­bre de gourous, cadors et cracks des réseaux soci­aux en tous gen­res que nous croi­sons quo­ti­di­en­nement. Le prob­lème, c’est que ce manque d’expérience donne sou­vent lieu à des malen­ten­dus sur ce qu’est une véri­ta­ble stratégie sociale. À mon avis, ce malen­ten­du n’est pas dif­fi­cile à résoudre. Il suf­fit de com­pren­dre ce qui suit…

« La stratégie n’implique AUCUNE émotion »

On pour­rait penser que c’est évident. Les lead­ers du marché ont com­pris depuis des années que les meilleures straté­gies sont totale­ment dépourvues d’émotion, de par­ti pris ou d’intérêt per­son­nel. Elles ne sont pas façon­nées par l’opinion, mais fondées sur les preuves et les enseigne­ments tirés d’une étroite col­lab­o­ra­tion avec une entre­prise. [Relisez bien cette dernière phrase ; c’est VRAIMENT impor­tant !!!] Le véri­ta­ble prob­lème des stratèges en réseaux soci­aux, c’est que ce qu’ils tien­nent pour des vérités sur les réseaux soci­aux a sou­vent ten­dance à brouiller les fron­tières…

« Les util­isa­teurs des réseaux soci­aux parta­gent des émotions et non des faits »

Très belle cita­tion, qui si mes sou­venirs sont bons est tirée des recherch­es de Jon­ah Berg­er à la Whar­ton Uni­ver­si­ty (et que j’ai moi‑même util­isée en élab­o­rant la Pyra­mide des objec­tifs), mais qui n’a pas sa place dans le proces­sus stratégique. L’émotion est intime­ment liée à la psy­cholo­gie sociale et aux raisons pour lesquelles les gens se com­por­tent comme ils le font en ligne, mais cela n’a rien à voir avec la stratégie. Face­book a même un terme pour les cam­pagnes bâties sur l’émotion : « Social by Design » [« Social par voca­tion »].

Nom­bre de stratèges soci­aux vien­nent des secteurs de la pub­lic­ité et de la com­mu­ni­ca­tion de mar­que, ce qui explique en par­tie leur ten­dance à s’appuyer sur des sys­tèmes plutôt « flous » de mesure de la sen­si­bil­i­sa­tion. Mais moi je par­le de ceux qui se con­cen­trent exclu­sive­ment sur l’engagement, ceux dont on entend par­ler lorsqu’on éval­ue le suc­cès d’une cam­pagne télévisée, de presse ou d’affichage.

Je crois aux Love­marks** **tout autant que les autres stratèges (ce terme, par lequel on entend un attache­ment émotion­nel à une mar­que, a été inven­té par Kevin Roberts, PDG de Saatchi), mais il est facile de con­fon­dre une « stratégie émotion­nelle » sus­cep­ti­ble de sen­si­bilis­er le pub­lic et une stratégie com­mer­ciale capa­ble de stim­uler les ventes. Exam­inez les deux exem­ples de proces­sus stratégiques ci-dessous, et vous com­pren­drez facile­ment pourquoi les gens con­fondent ces deux notions (vous remar­querez que la sec­onde ver­sion, bien que moins attrayante, implique un plan d’ACTION défi­ni).

Les love­marks : une « stratégie » de com­mu­ni­ca­tion de marque

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_Source : Mod­èle de cap­i­tal-mar­que basé sur le con­som­ma­teur (Cus­tomer-Based Brand Equity,
CBBE, Keller, 2002 et Kotler/Pfoertsch, 2006), mod­i­fié par Pyra­mid. _blog.pyramid.se

Un proces­sus stratégique « tra­di­tion­nel »

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_Source : _visionsforireland.com

Le prob­lème en défini­tive, c’est que si les bons stratèges soci­aux ont com­pris que les grandes cam­pagnes reposent sur l’émotion (pour amen­er les gens à partager, faire pass­er ou voir l’information), la stratégie sur laque­lle la cam­pagne est fondée **NE DOIT PAS **repos­er sur l’émotion.

Stratégie façon­née par l’émotion = Mai­son bâtie sur le sable*, etc.

  1. Exam­inez les don­nées.
  2. Analy­sez ce qu’elles vous dis­ent pré­cisé­ment.
  3. Exploitez-les pour bâtir votre stratégie sur le roc.*

**
Votre patron ne vous en aimera que davantage !**

* (Toutes mes excus­es pour l’analogie biblique.)

À pro­pos de Jere­my Waite

Directeur de la stratégie sociale chez Adobe EMEA, ancien gar­di­en de girafes, Jere­my s’entraîne pour l’événement Ped­al­ToParis avec la Pop­pyLe­gion et écrit actuelle­ment son 2è livre, Fol­low Me, I’m Right Behind You.