Le salon NRF à New-York comme si vous y étiez par Catherine Barba
Du 11 au 14 janvier, Catherine Barba participe au NRF Big Retail Show, le plus grand salon mondial du retail, sorte de CES East coast pour le commerce. 25 000 participants, des milliers de stands, des dizaines de panels, conférences et autres ateliers autour du futur du commerce : de quoi faire un sacré plein de nouveautés, d’innovations et de bonnes idées ! Adobe l’a chargée d’une mission très spéciale : y traquer pour eux le meilleur des innovations e‑commerce et retail, les tendances marketing 2015, les nouveaux services pour booster la satisfaction client en ligne ou sur point de vente, les start-ups qui décoiffent.
Dimanche 11 janvier 2015 : premier jour
1/ Les tendances
L’OMNICANAL TOUJOURS UNE AMBITION PLUS QU’UNE REALITE
C’est (cette année encore, bis repetita) le postulat du salon NRF 2015, le plus grand salon mondial du retail qui rassemble 25 000 participants venus du monde entier dont 675 français : « Omnichannel commmerce » est l’opening keyword de Stephane Sadove, Chairman de la NRF, sur scène pour le discours d’ouverture. Omnicanal : non les canaux de vente ne peuvent plus exister indépendamment les uns des autres ; oui toute enseigne, toute marque se doit d’offrir au client une expérience client à la fois physique et digitale, sans rupture. Car l’horizon d’attente du client est celui d’un continuum de conversation, d’une cohérence, d’une fluidité d’expérience entre canaux, où les offres et produits disponbles doivent être parfaitement alignés. Si le chairman de la NRF n’ouvre ainsi le salon sur rien de bien nouveau, il conforté les participants, acteurs du retail pour la plupart, dans leurs convictions. Et moi je réalise qu’en 2015, on est toujours plus agile dans la tête que dans les jambes, de ce côté de l’Atlantique aussi. Et j’attends d’entendre des témoignages d’enseignes qui nous diront comment concrètement elles sont passées à l’acte !
NE DITES PLUS CLIENTS MAIS FANS
C’est l’autre grand mot du jour : l’engagement avec les clients, que l’on nous invite tout au long de la journée à considérer comme des fans.
Il est question de fans dès la première table ronde qui rassemble des dirigeants des plus grandes équipes et ligues sportives américaines (dont le brillant Parrag Marathe, Président des San Francisco 49ers). Ils racontent leurs stratégies pour créer du lien, de la proximité avec les fans. «70% des fans sont connectés sur leur smartphone dans les gradins. Quand on sait qu’un match de baseball dure en moyenne 5 heures, apporter du service et du divertissement personnalisé aux fans sur mobile n’est pas une option ». Je trouve très inspirant que ces gens‑là considèrent l’animation de la base de fans comme leur métier, leur affaire personnelle quotidienne, au même titre que définir la stratégie pour améliorer la performance de leurs joueurs. On est en plein dans le « Reinvent your job » dont parle souvent Adobe.
Au dernier grand panel du jour il est aussi question de fans : « Brick is the New Black : Reinventing the Brick and Mortar Experience ». Le président de Levi’s James Curleigh arrive en chantant « Revolution » des Beatles avec une voix rauque à la Springsteen – étonnant mélange 😉 Il fait un parallèle bien senti entre son business, le jean, et l’industrie de la musique, métamorphosée par le digital. Et en parlant de ses clients, il les appelle les fans. « On a trois sortes de fans à adresser : les fans qui nous aiment et qui ne nous ont jamais quitté ; les fans qui nous aiment et qui achètent d’autres marques ; les fans qui ne nous connaissent pas encore mais qui nous adoreraient ». J’aime l’idée de considérer les clients comme des fans et non comme des clients. Et que pour les toucher, il faut non seulement les connaître, mais aussi sortir du paradigme du marketing qui concentre l’expérience client sur des points de contact, des moments de vérité. Au-delà des interactions purement transactionnelles, qu’elles soient en ligne ou en magasin, on souligne l’importance des attentions qui donnent du sens à la relation, on parle de fil d’Ariane, d’intimité quotidienne et continue, de connaissance client (pardon : fan) et personnalisation. Ca me parle.
TOUT COMMENCE AVEC LE MOBILE POUR CULMINER EN MAGASIN
Retail is not dead ! Voilà encore un thème qui me parle, le magasin n’est pas mort 😉 ! Convaincus eux aussi qu’aucun Amazon au monde ne remplacera jamais le plaisir de l’échange social, de l’expérience humaine sur le point de vente, les intevenants évoquent la nouvelle expérience en magasin, dans lequel les clients n’entrent plus sans leur mobile en main. Si l’on parle de supports et outils du digital in-store : écrans en magasin, offres personnalisées sur mobile, tablettes des vendeurs, on s’attarde surtout aujourd’hui sur le sujet de la personnalité des points de vente. « Si vous deveniez aveugle, comment parviendriez-vous à ressentir que vous êtes dans ce magasin particulier ? », « A l’heure du e‑commerce, quelles solides raisons donnez-vous au consommatuer de sortir de chez lui ? » (question particulièrement pertinente à New-York en janvier avec des températures de ‑10°C en moyenne, un trafic toujours dingue et un flot de passants à donner le vertige). La réponse : « Marketing becomes messaging ». Au-delà des postures d’accueil des équipes de vente, de la convivialité, de la reconnaisasnce, de la rapidité de service, c’est l’ambiance du magasin qui motive le consommateur à se déplacer. Les messages qu’il y reçoit sont autant d’échos des valeurs de l’entreprise. On nous rappelle que la techno n’est qu’un outil, et que l’enjeu du magasin est bien de réussir à faire vivre une expérience incomparable, que le client n’aura jamais à la maison. Je regrette juste que l’on ne souligne pas davantage ici l’importance des équilibres internes / externes, la considération apportée aux collaborateurs et le rôle des RH pour parvenir à ravir les clients, créer cette atmosphère porteuse de sens et d’humanité.
2/ Les temps forts de la journée
La conférence sur le luxe. Je réalise qu’aux US « fashion meets technology » : les marques de luxe n’ont plus peur qu’Internet, en les rendant plus accessibles, les rende moins aspirationnelles. Je suis bluffée par le degré de maturité de certaines marques de luxe américaines ; je me dis que si j’étais une maison française, encore « en majesté », je m’empresserais de créer un observatoire du commerce du futur aux US pour comprendre les mouvements qui y sont à l’œuvre.
Les 5 messages clés retenus de cette session :
- Le luxe a beaucoup à apprendre d’Amazon et des pure players. Pour gagner en culture digitale, apprendre l’e‑commerce, la tech et la data.
- Le one to one n’est pas un mal nécessaire. Plus que tout autre client, l’acheteur du luxe a conscience de l’abondace des donnéees personnelles qui le concernent et donc de sa valeur ; il exige une pertinence et une personnalisation accrue et d’être adressé avec le bon ton, celui qui autorise la sollicitation spontannée sans tomber ni dans la froideur guindée, ni l’intrusion dans la vie privée.
- Le web n’est pas qu’un catalogue, il est un extraordinaire media qui plonge les clients dans l’univers des marques, racontant leurs coulisses, leurs secrets. C’est cela qui crée de l’intimité, de la confiance, de l’attachement.
- Le site web doit être étroitement lié aux points de vente physique, et permettre de rendre chaque produit accessible, d’en vérifier la disponibilité, de permettre une réservation ou un contact direct avec un conseiller ;
- Les acheteurs de demain, les « Millenials » comme on les désigne, gagnent à être regardés de près car leurs comportements sont très éloignés de ceux des traditionnels acheteurs du luxe. 82% d’entre eux préfèrent ainsi le contenu sur mobile à l’échange direct avec un conseiller de vente (source RichRelevance). Ce sont sont des adeptes du « functional luxury ».
Comment la marque anglaise John Lewis qui a 150 ans se réinvente en coopérant avec les start-ups
Etonnant autant qu’instructif ce keynote donné sur John Lewis par son CTO, respectable monsieur semblant avoir dépassé depuis longtemps l’âge de la retraite (!), et venu raconter comment l’entreprise continue d’innover pour se réinventer.
« Qu’est-ce qui compte vraiment dans une monde en train d’être prodondément transformé par la technologie ? » demande-t-il en préambule ? C’est l’amour ! Avoir l’amour du client, créer de l’émotion, rendre les clients heureux.
C’est aussi, répond-il, leur rendre service, en développant de nouveaux produits qui transforment l’expérience d’achat en la simplifiant. Pour cela, John Lewis a reconnu qu’il fallait aller vers cette culture digitale qu’ils n’avaient pas, en investissant dans des start-ups au travers d’un incubateur baptisé le JLab. A date, John Lewis a ainsi financé le développement de 5 start-ups (Localz, Musaic, Space Design, Tap2connect, Viewzy) qui permettent autant de faire grandir la culture digitale et entrepreneuriale en interne que de tester auprès des clients des solutions nouvelles pour leur simplifier le shopping et accompagner l’évolotion de leurs attentes.
Il termine en partageant quelques chiffres édifiants sur les ventes de Noël 2014 : un chiffre d’affaire réalisé de 777 millions de livres, dont 36% (280 M de livres) online et 42 millions pour la seule journée du Black Friday ! A noter aussi que le click and collect (retrait en magasin) a représenté 56% du total des ventes en ligne.
3/ Testé pour vous
Le miroir tactile de la boutique Rebecca Minkoff (96 Greene St.) qui va au-delà du simple gadget digital : il permet de faire varier l’éclairage pour imaginer le produit porté en situation, d’appeler un vendeur, de commander la taille souhaitée, de payer en ligne et se faire livrer chez soi si non disponible en magasin.
4/ Mon coup de coeur
Le président de Levi’s, James Curleigh, le Fonzy du retail ! Au-delà de nous inviter à penser les clients comme une communauté de fans dont il faut nourrir l’engagement, il a partagé quatre convictions inspirantes pour tous les acteurs du retail : «Core and More », consolidez votre cœur de business, mais développez sans cesse de nouveaux services, de nouvelles lignes de produit, et trompez-vous beaucoup ; « Simplicity and Sophistication », soyez aussi simple pour l’utilisateur final que l’organisation que vous mettrez en place pour y arriver sera complexe ; « Be Accessible and Aspirational », ne croyez pas que l’accessiblité tue la désirabilité d’une marque ou d’un produit, il n’y a pas d’antagonisme ; « Be Expected and Unexpected », ayez des fondamentaux solides et faites bien votre métier mais souvenez-vous que dans un monde où les consommateurs sont sur-sollicités, le décalage, l’inattendu, la surprise dans l’expérience feront la différence ; ce qui est lisse est sans intérêt.
A propos de Catherine Barba :
Pionnière du Web en France, experte de l’e‑commerce et du retail, Catherine est créatrice d’entreprises depuis 2003, business angel et administratrice de startups innovantes. Chroniqueuse sur BFM depuis 2009, auteur de « 2020 la fin du e‑commerce » et de « Le magasin n’est pas mort ! », Catherine a été élue Femme en Or d’Entreprise en 2011 et Femme d’Influence économique en 2014. Ses sujets de prédilection sont la transition numérique, l’excellence du service client et l’esprit d’entreprise. Sur Twitter : @cathbarba