Le salon NRF à New-York comme si vous y étiez par Catherine Barba – jour 2
Du 11 au 14 janvier, Catherine Barba participe au NRF Big Retail Show, le plus grand salon mondial du retail, sorte de CES East coast pour le commerce. 25 000 participants, des milliers de stands, des dizaines de panels, conférences et autres ateliers autour du futur du commerce : de quoi faire un sacré plein de nouveautés, d’innovations et de bonnes idées ! Adobe l’a chargée d’une mission très spéciale : y traquer pour eux le meilleur des innovations e‑commerce et retail, les tendances marketing 2015, les nouveaux services pour booster la satisfaction client en ligne ou sur point de vente, les start-ups qui décoiffent.
Lundi 12 janvier 2015 : deuxième jour
Commerçants, pratiquez vous le BOPIS ? LA réponse au e‑commerce…
1/ Les tendances
A la fin de la deuxième journée du salon NRF, je comprends enfin la signification du mot Big dans la baseline « Big Retail Show » : avec 42 conférences proposées entre 8h et 17h, soit plus de 4 conférences par heure — et encore, je ne compte pas la pause déjeuner, on voit certes très grand ici pour penser le retail de demain ! Si on en a ainsi pour son argent à la NRF, mieux vaut venir à plusieurs pour se répartir les sessions. Je n’ai même pas le temps de me rendre sur le stand Adobe !
Dans ce foisonnement de conférences, je décide de me concentrer sur le sujet logistique. Plusieurs panels insistent sur l’importance capitale de l’organisation logistique à l’heure du cross-canal pour honorer la promesse de « seamless experience », expérience sans couture au travers notamment du click and collect, une urgence absolue (« fulfillment emergency ») comme le formule Lee Peterson, l’intervenant qui m’aura le plus enthousiasmée aujourd’hui.
Les magasins sont des centres de livraison
La table ronde « Assortment centric planning for omni-channel retailing », où s’exprime notamment Louis Vuitton, commence par souligner l’enjeu pour le commerçant d’avoir une juste photographie de l’état de ses stocks dans ses magasins pour pouvoir communiquer en temps réel sur son site e‑commerce la disponibilité d’un article et permettre ainsi à ses clients de le réserver ou l’acheter en ligne et venir le retirer en magasin.
On insiste sur l’impératif d’avoir pour cela un identifiant client unique (single view customer) et un système d’information capable de calculer pour chaque produit et dans chaque magasin les entrées stock moins les ventes en caisse de la façon la plus fiable possible (high inventory accuracy).
Au panel « Are you ready to accelerate your performance with RFID ? » les enseignes Macy’s et Lululemond reviennent sur la nécessité de tenir ses stocks à jour, d’enregistrer les entrées de nouveaux produits, de motiver ses directeurs de magasin à faire plus régulièrement leur inventaire, ainsi que sur l’importance de travailler avec un bon intégrateur pour assurer l’interface de son système d’information avec sa plate-forme commerce et permettre ainsi l’affichage en ligne des informations recherchées par le client.
J’aurais aimé ici que les intervenants nous parlent un peu plus de leurs coulisses, qu’ils racontent comment ils s’y étaient pris pour réussir à faire collaborer IT, store ops, brand owners, équipes magasin et Internet et les erreurs à éviter…La « cross-functional cooperation » interne n’est jamais très aisée ; pourtant au-delà des intentions, on le sait bien, c’est l’exécution qui compte !
A la conférence « The next killer App : Stores winning over the Storeless Generation » où je commence à avoir sérieusement besoin de café, je découvre l’acronyme BOPIS (Buy Online Pick-up In Store) et apprends que les consommateurs les plus jeunes en seraient particulièrement adeptes.
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Je réalise surtout que certaines enseignes américaines sont en train de mener des réflexions extrêmement poussées sur les modalités du click and collect et leur impact sur la satisfaction des clients : faut-il proposer le retrait dans le magasin (au niveau des caisses, au fond du magasin ?) ou dehors (à pied ou en mode drive ?) ; faut-il offrir des casiers en self service ou faire intervenir un vendeur qui sera motivé à proposer des produits complémentaires à l’achat pour faire de l’up-sell ; a‑t-on intérêt à être un point relais pour d’autres marques… ? Tesco, UPS, Echo Park Automotive à Denver ou Argos en Angleterre sont cités en exemples de bons « fulfillment centers ». Après un bon café et si la connexion wifi se décide à fonctionner enfin, je me promets d’aller y jeter un œil..
En parallèle du « fulfillment center », le magasin est présenté sous l’angle du « social playground », un lieu de lien social, d’expérience à forte dimension humaine. Etre commerçant en 2015, c’est être en conversation permanente avec ses clients et animer sa communauté en ligne.
Tous les intervenants s’accordent sur ce point : dans monde hyper connecté, on assiste au retour en force de la relation client, des valeurs et la présence du facteur humain, non seulement sur les points de vente, mais aussi en ligne, sur son site, par email, sur les réseaux sociaux… L’écoute continue, humaine, empathique, bienveillante génère une sur-valeur de satisfaction client, d’attachement et de recommandation. On nous invite à aller regarder ce que font par exemple pour créer du lien avec leurs clients Tesla, North face à Seoul, Urban Renewal à Brooklin, Patagonia à NY, Restauration Hardware à West Hollywood. Une belle exploration en perspective.
Enfin, au-delà de la logistique et de la conversation continue avec les clients, Data et personnalisation restent les sujets clés de la journée. Etre commerçant en 2015, c’est investir dans la connaissance client pour personnaliser son offre. Je retiens que les clients demandent à être connus en tant qu’individus. Qu’ils attendent d’être reconnus à chaque point de contact. Que du coup, ils attendent des enseignes qu’elles utilisent non seulement leurs données individuelles, la connaissance de leur profil, de leur histoire personnelle avec la marque, mais aussi des goûts et préférences qu’ils ont pu révéler sur les media sociaux pour leur adresser des propositions et messages pertinents, spécifiques, parfaitement sur mesure, qui réponde à leur besoin. Je me demande quelles sont les marques qui m’offrent aujourd’hui un tel degré de personnalisation et me dis, faute de réponse, qu’il reste beaucoup d’investissements à réaliser dans la connaissance client..
2/ Les chiffres du jour
37 113 avis clients pour le produit Beauty Protector Protect & Detangle (dont j’ignorais je l’avoue totalement l’existence) sur le site Bearchbox.com dont je découvre du même coup qu’il a 800 000 abonnés, en conversation permanente avec la marque. « Everything we do is based around your data », affirme sa fondatrice, « notre avenir passe par l’extrême personnalisation ».
En 2008 aux Etats-Unis, 4% des achats en ligne etaient retirés en magasin ; en 2014, c’est 64% !
69% des consommateurs attendent d’un vendeur en magasin qu’il soit équipé d’une tablette.
3/ Mon coup de coeur : Bilder & De Clercq, le « Home Cooking made easy » pour des clients heureux
Rogier Leopold et Diederik van Gelder viennent d’Amsterdam ; rien qu’à les entendre parler de leurs magasins, on se demande comment on a pu vivre si longtemps sans être client chez eux. Bilder & Declercq est un nouveau concept de magasin alimentaire où l’on vit une expérience qu’aucun Web au monde ne saurait procurer. On y vient pour trouver des produits d’alimentation ultra frais, healthy et locaux vendus autour de 14 menus de saison composés chaque semaine par deux chefs (et co-construits avec les clients). Les ingrédients du succès sont là : des entrepreneurs charismatiques mus par une énorme empathie clients, des produits de qualité, un magasin clair, beau, accueillant qui donne envie de revenir, des vendeurs disponibles et souriants, un mur de commande interactif qui laisse le choix du mode de livraison, une animation attentive de la communauté en ligne… Bref, un parfait mashup entre physique et digital, des salariés heureux et des clients heureux. Résultat : un taux de réachat et de fidélité élevé, un niveau de recommandation en ligne exceptionnel qui leur permet de limiter les investissements en publicité payante pour un coût d’acquisition bien inférieur à la life time value, la valeur client. « Stores now have to earn the right to stay open » disait Ronald Sargent, CEO de Staples. Ceux de Bilder & Declercq auraient plutôt le devoir d’en ouvrir d’autres très rapidement…dont un en bas de chez moi !
A propos de Catherine Barba :
Pionnière du Web en France, experte de l’e‑commerce et du retail, Catherine est créatrice d’entreprises depuis 2003, business angel et administratrice de startups innovantes. Chroniqueuse sur BFM depuis 2009, auteur de « 2020 la fin du e‑commerce » et de « Le magasin n’est pas mort ! », Catherine a été élue Femme en Or d’Entreprise en 2011 et Femme d’Influence économique en 2014. Ses sujets de prédilection sont la transition numérique, l’excellence du service client et l’esprit d’entreprise. Sur Twitter : @cathbarba