La typographie, tout savoir pour l’apprivoiser

Si les mots sont un point de passage de la pensée, la typographie est la tangibilité de la pensée.

Jean-François Porchez

Typographe reconnu et inventeur de Parisine – l’identité typographique du métro parisien – Jean-François Porchez était l’invité du dernier Creative Drink Up, une initiative d’Adobe et Kontest qui réunit une trentaine de designers autour d’un sujet et d’un invité de marque pour débattre et échanger autour du design.

Au commencement était le verbe. Puis vint l’écriture, moyen quasiment universel de transmettre de façon durable un message, une pensée, une émotion. C’est notre vecteur commun pour visualiser une chose abstraite. C’est aussi, pour le designer, l’outil qui permet de passer de l’imaginaire au monde réel. Mais si la typographie est depuis longtemps au cœur du design, elle interprète parfaitement l’adage qui souligne qu’un bon design est un design qui ne se voit pas. Pour la plupart des lecteurs, la typographie n’est ni comprise ni réellement analysée mais uniquement interprétée (de façon souvent instinctive) comme un outil qui autorise la lecture. Et ce, malgré son omniprésence autour de nous et son usage toujours renouvelé (le design des années 30, les taggeurs des années 80 ou le retour massif du hand lettering aujourd’hui n’en sont que quelques exemples). Et pourtant, ce travail de design reste encore transparent aux yeux du grand public. Alors comment fait-on pour valoriser quelque chose qui est invisible ?

Jean-Francois Porchez, typographe reconnu et fondateur de Typofonderie (éditeur de fontes) et ZeCraft (typographie sur-mesure), est revenu lors de la quatrième édition des Creative Drink Up sur le rôle de la typographie, « un outil extraordinaire d’enregistrement de la pensée ». Il détaille et illustre comment l’homme a su trouver le moyen de fixer la pensée en inventant l’écriture et le caractère typographique. Il met alors en évidence les influences culturelles, technologiques et esthétiques qui font l’expérience typographique. Dans cette présentation de 30 minutes, il revient sur ses projets et sur la fonction du typographe.

Jean-François Porchez est le fondateur de Typofondrie (qui distribue ses polices de caractères) et de l’agence créative ZeCraft qui conçoit des identités typographiques sur-mesure pour des marques. Ses créations se sont affichées dans le journal Le Monde, le métro parisien, le BHV ou la maroquinerie Louis Vuitton. Lors de sa présentation, il détaille sa démarche de recherche historique et culturelle d’une marque avant d’entamer le design de caractères.

Jean-François commence par nous expliquer, avec une touche d’humour, comment l’homme, cet être surpuissant, a su trouver le moyen de fixer la pensée en inventant l’écriture qui a très vite évolué de la simple calligraphie au caractère typographique. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, Jean-François met en évidence que la culture a eu beaucoup plus d’influence dans la constitution du caractère que les contraintes technique que le designer peut rencontrer (ligature, couleurs, numérique…). Il l’illustre parfaitement au travers de ses nombreux projets qui nous entourent au quotidien : la signalétique du métro parisien, des logos de grandes marques de luxe, l’usage typographique dans des annonces TV…

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En 1996, une des principales créations de Jean-François est la constitution d’un nouveau caractère pour la signalétique du métro de la ville de Paris : le Parisine. Son objectif : trouver un remplaçant à l’Helvetica et ainsi améliorer la lisibilité pour les usagers. L’idée de Jean-François est de transmettre à travers les formes de le Parisine l’esprit populaire de la ville de Paris ou comme il aime le dire “un Paris simple mais sympathique”.

Aujourd’hui, si vous vous baladez dans la capitale, vous pourrez donc voir que l’œuvre de Jean-François est partout : le métro parisien, le RER d’Île-de-France, les tramways mais également sur les bus ! En effet, ce projet d’amélioration de la lisibilité a été étendu par la suite aux panneaux déroulants LED. Testé et approuvé par les voyageurs, le Parisine s’est imposé auprès du grand public.

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Comme nous l’avons vu dans cet exemple, en plus d’améliorer le confort de lecture, la forme du caractère peut être porteur d’une identité culturelle. Jean-François nous rappelle que les rois de France ont été les premiers à l’utiliser pour asseoir leur souveraineté notamment en apposant leurs armoiries sur toutes leurs possessions (châteaux, meubles, livres, etc.). Louis XIV en a même profité pour créer un caractère unique dédié à son règne : le “Romain du roi” reconnaissable par l’empâtement au milieu du “l”.

Dans le domaine de l’architecture, Jean-François évoque l’intemporalité de la typographie à la différence d’un édifice qui bien qu’il soit pérenne reste gravé dans son époque. Il cite également l’exemple de l’analogie entre le Frutiger et les voitures : le Frutiger reste moderne au fil des années tandis que les voitures, elles, sont caractéristiques d’une période.

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Lorsqu’il s’attaque à de grandes marques, le principal challenge de Jean-François est de les convaincre du pouvoir de la typographie. Un travail parfois de longue haleine, mais qui au final lui permet de réaliser des œuvres uniques. Jean-François tente à chaque fois de faire ressortir à travers la typographie le territoire de la marque. Il est par exemple l’auteur du caractère original utilisé par la marque de cosmétiques Sephora. Un caractère très utilisé dans la communication de la marque et qui reprend les symboles propres à son univers.

De même pour Nespresso, Jean-François désire à travers la création de sa nouvelle typographie faire naître des émotions liées au café, à l’Italie et à l’art déco. Une des premières applications de cette typographie a été la récente publicité avec l’acteur français Jean Dujardin. La typographie reste assez transparente derrière l’image de ce grand acteur, mais pourtant, sans elle, la publicité n’aurait sans doute pas eu le même effet auprès du public.

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Les exigences des marques de luxe quant à la typographie sont parfois assez surprenantes. Jean-François a pu s’en apercevoir avec le projet que lui confie la marque Yves-Saint-Laurent : associer des nuances d’or et des effets de 3D sur les corps de caractère. Son choix se porte alors sur la création d’un caractère qui pourrait synthétiser à la fois le design de Cassandre, graphiste de la marque, et l’imaginaire des cosmétiques Yves-Saint-Laurent. Un choix raffiné qui apporte une touche d’élégance aux communications de l’enseigne.

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Louis Vuitton est une autre des ces marques prestigieuses avec lesquelles Jean-François collabore. Chez Vuitton, le design des mots est une affaire de famille : les fondateurs sont en effet d’excellents calligraphes. Ils aiment utiliser la typographie pour renforcer le poids des mots. Jean-François s’inspire donc directement des anciens caractères utilisé par la marque et déjà très emprunts de la patte Vuitton pour en créer de nouveaux. Les exemples d’en-tête de courrier que Jean-François nous présente montre assez bien la puissance apportée par la forme de chaque corps de lettre : le sens des mots est renforcé et parfois même changé grâce à la typographie.

Loin de l’univers du luxe, une des dernières créations de Jean-François est celle de la typographie Respiro pour un magazine espagnol. Jean-François nous exprime avec enthousiasme la démarche de création de cette typographie : l’idée est avant tout de faire transparaître une ambiance hispanique en prenant soin de ne pas être caricatural. Pari réussi!

Jean-François conclut cette présentation en nous répétant sa phrase phare : la typographie est le point de passage entre la pensée et les mots. Et de souligner au passage qu’il existe toujours un débat autour du “neutre” dans le domaine de la typographie Une notion qui s’oppose à la vision de Jean François : il est impossible de dire qu’une typographie n’évoque rien. Il n’y a pas d’invisibilité, même lorsque rien ne se passe, chaque police évoque forcément une émotion qui renvoie à une certaine ambiance ou référence culturelle.

Olivier Saint-Léger a ensuite initié une session de questions-réponses avec l’assemblée présente :

Que pensez vous de l’animation des mots dans le Motion design ?
JFP : Dans le film Bullitt, la typographie présente dans le générique informe sur l’intrigue du film. C’est le générique qui donne la dynamique au film. Il ne peut exister sans lui. Il faut ensuite voir si l’animation n’est pas uniquement un artifice, un effet qui n’est pas spécifique à la marque.

Quel est l’impact de la typo dans vos projets?
JFP : C’est le point de départ ! Je passe énormément de temps à travailler le logo dans différents caractères pour trouver une émotion. Quand on a une sensibilité créative, on essaie de trouver ce qui colle le mieux à la marque. C’est très important de faire passer un message à travers la bonne typographie.

Comment évolue le métier de typographe avec l’arrivée du web ?
JFP : Le web a sauvé la typographie ! Le métier a explosé dans le bon sens : d’un seul coup le créateur peut être le diffuseur de sa propre oeuvre. Avant l’apparition d’Internet, pour se faire connaître cela était beaucoup plus complexe.

Reportage photo :
Retrouvez les photographies de Peter Gabor sur son profil Facebook >>

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Adobe et la typographie, du PostScript à Typekit

Fondée en 1982 par John Warnock et Charles Geschke, la société Adobe trouve son origine dans la création du langage PostScript, une prouesse technologique qui standardise la communication entre les ordinateurs et les imprimantes et popularise les polices vectorielles. Les logiciels comme PageMaker, Photoshop (qui fête ses 25 ans cette année !) ou plus récemment InDesign ont permis à des millions de créatifs de s’exprimer avec la typographie.
Après l’acquisition en 2009 de Typekit, Adobe met à disposition des abonnés Creative Cloud ce service de polices par abonnement qui rassemble au sein d’une seule bibliothèque des milliers de polices professionnelles (dont celles de Jean-François Porchez). Longtemps réservées au seul usage du web, les membres du Creative Cloud peuvent désormais aussi utiliser les polices Typekit dans leurs applications bureautiques (Photoshop CC, InDesign CC, Illustrator CC…) et publier leurs mises en page avec les polices du catalogue.

Pour découvrir comment utiliser Typekit sur le web et dans vos applications, visionnez ce tutoriel produit par les équipes d’Adobe :

En savoir plus sur TypeKit : http://adobe.ly/Zrehds
En savoir plus sur Creative Cloud : http://adobe.ly/1vjKuBT
Voir les offres d’abonnement Creative Cloud : http://adobe.ly/1CG6K8J

Des soirées pour les créatifs à Paris
Si vous souhaitez participer à des soirées entre créatifs et échanger sur le monde du design, ne ratez pas les soirées *di*/zaïn organisées par les Designers Interactifs, retrouvez Adobe lors des soirées Meet the Talents organisées par le Meetup « All Creative in Paris » ou lors des événements Adobe.

Vous pouvez également retrouver les contenus vidéos des soirées Creative Drink Up sur notre chaîne YouTube.