Segmentation des audiences : le graal pour les marketeurs ? | Social Drink Up #09
Le rêve de tout marketeur est de connaître parfaitement ses clients, leurs habitudes ou encore leurs besoins. Jusqu’à très récemment, cette connaissance client restait assez floue, s’appuyant sur des données généralement approximatives. L’arrivée en très grands nombre des données numériques via de multiples canaux rend possible une segmentation des audiences bien plus fine qu’auparavant. Toutefois, si cette profusion de données permet en théorie de segmenter au mieux ses audiences, dans la pratique les hommes du marketing doivent faire face à des challenges importants pour en tirer un réel bénéfice opérationnel. Cette complexité est due en majeure partie à la fragmentation des usages sur des périphériques très différents, ce qui impose un « cross devices management » particulièrement laborieux.
Par ailleurs, ces flux de données subissent aussi le silotage des entreprises. Pour le marketeur, l’enjeu consiste donc à agréger ces différentes sources afin de créer une vue unique du client qui conduira, enfin, à une relation totalement personnalisée (ou presque). Cette maîtrise du référentiel unique de la donnée client constitue aujourd’hui une étape indispensable. Tellement indispensable, d’ailleurs, qu’elle pourrait être le socle fondateur de toute la stratégie digitale de l’entreprise 3.0.
Alexandre Azzopardi, regional Manager chez Adobe ouvre cette neuvième édition des Social Drink Up par un petit rappel des chiffres et tendances liés à l’évolution du phénomène de la segmentation des audiences.
Ainsi Alexandre nous montre que la segmentation est apparue dans l’univers du marketing au cours des années 30 et qu’elle résulte de la rencontre entre le marketing et la technologie. Cette dernière a affecté radicalement notre mode de consommation. Entre 1995 et 2014 les foyers ont en effet connu deux grandes révolutions : l’Internet commercial et le mobile.
En 2014, le mobile a même dépassé l’usage de l’ordinateur, si bien que l’on parle désormais d’un “monde mobile”. D’un point de vue marketing, cela signifie que les consommateurs d’aujourd’hui sont hyper-connectés et que leur parcours client devient très fragmenté. Une tendance au mobile qui fait apparaître des nouveaux usages de consommation comme l’utilisation du smartphone en magasin, l’utilisation de boutons d’achat sur les réseaux sociaux ou encore la Social TV.
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C’est l’utilisation de ces multiples périphériques de manière très fragmentée qui fait qu’un individu génère chaque jour des milliers de points de datas qui sont tout autant d’opportunités pour les marques.
Vincent Luciani, fondateur de la société de conseil Augusta, rencontre souvent des directeurs marketing et des annonceurs qui ont de la donnée mais qui ne savent pas comment l’utiliser et surtout quels outils employer. Son métier consiste à les accompagner dans leur utilisation de la data et bien sûr comment la segmenter pour en extraire de la valeur.
Dans son introduction, Vincent nous fait remarquer qu’en Egypte antique, la segmentation démographique existait déjà avec la fabrication de sarcophages adaptée au type d’individu. Puis dans les années 20, la segmentation s’est industrialisée permettant la production à grande échelle d’offres différenciées. Les premiers algorithmes sont apparus entre les années 50 et les années 80, et ce sont ces algorithmes qui sont encore utilisés de nos jours.
Aujourd’hui, la segmentation franchi une nouvelle étape, celle du one-to-one : elle est individualisée. Selon lui, quatre éléments sont caractéristiques de la segmentation actuelle :
- La multiplication des datas et des points de contacts,
- Le passage à du temps réel avec une mise à jour des données toutes les heures voire toutes les secondes sur certains outils utilisés
- Une augmentation du nombre de segments qui permet d’individualiser les messages
- L’activation en multicanal : réseaux sociaux, mobile, TV connectées, etc.
Pour arriver à la diffusion d’un message personnalisé, l’idée est de collecter tous les inputs, c’est-à-dire les données récoltées, pour les diffuser en outputs en les connectant à tout un écosystème dit “legacy”.
Après nous avoir expliqué le principe de la segmentation, Vincent l’illustre au travers d’exemples sortant quelque peu de l’ordinaire.
AT&T
Le premier exemple abordé est celui de la société de télécom AT&T qui s’est servie de l’analyse des données récoltées suite à une campagne test pour optimiser ses publicités. AT&T a en effet lancé une campagne publicitaire comprenant 370 types de vidéo avec à chaque fois un humour différent afin d’analyser laquelle performait le mieux au niveau des ventes. Cela leur a permis d’en tirer des insights et de lancer une seconde campagne utilisant le type d’humour ayant le mieux fonctionné.
Le parcours des non-clients
Pour le compte d’une société e‑commerce, Augusta a analysé le chemin de conversion de clients, mais aussi de non-clients. La société a ainsi pu initier de nouveaux parcours plus intuitif en adaptant l’ergonomie du site selon les tranches d’âges de ces internautes.
Le cycle de vie du client
Concernant le cycle de vie du client, l’insight qui ressort de l’analyse de la segmentation est que l’effort doit être mis non pas sur le segment en tant que tel, mais sur le passage d’un segment à un autre. En effet, le passage traduit un changement de besoin. Un moment que privilégient les consommateurs pour s’ouvrir aux propositions des marques et également pour y rester fidèle. L’idée est donc d’identifier ce moment clé pour pouvoir communiquer auprès de l’utilisateur avant le point de passage.
Récurrence du comportement
Pour poursuivre avec la notion de moment clé, Vincent explique comment la segmentation des données peut amener à offrir un service personnalisé à un moment clé de la vie du client. En identifiant des comportements récurrents de la part du consommateur, comme des courses hebdomadaire à un supermarché, les distributeurs peuvent leur proposer un vrai service au moment le plus opportun.
Vincent tire donc trois grands bénéfices de segmentation moderne : une meilleure connaissance client, une expérience client personnalisée grâce à l’apport d’un service, et donc un meilleur ROI des actions marketing.
Pour parvenir à une telle segmentation, Vincent nous révèle le process utilisé : la récolte de données propres et externes, l’analyse et enfin l’activation. L’outil au coeur de ce process est bien sûr la DMP. Ce dernier permet de connecter l’ensemble des points données clients (médias, mails, CRM, réseaux sociaux…), de les homogénéiser et de les connecter aux outils hérités (CRM, emailing, RTB). Un outil qui va pouvoir permettre aux marketeurs d’aller au-delà du concept de campagne. Vincent parle lui du concept de “rebonds” : les communications que reçoit le consommateur sont poussées en fonction de la donnée qui a été récoltée sur ce dernier.
La segmentation moderne se heurte toutefois à trois problématiques. Les points de contacts sont aujourd’hui cross-devices ce qui ne facilite pas l’agrégation de toutes les données. Pour unifier ce parcours client, deux pistes permettent néanmoins d’agréger un grand nombre de données : Google et Facebook. Sans Google et Facebook, la solution alternative reste de connecter différentes startups. Le deuxième enjeu est celui des algorithmes utilisés. L’algorithmique développé par les ingénieurs va difficilement permettre de déduire une signification marketing. L’autre manière de segmenter est plus historique, elle permet de déduire des segments en validant des hypothèses. Cette dernière technique restreint toutefois les possibilités.
Pour relever ces différents challenges et réussir sa segmentation, Vincent a identifié le profil idéal du data scientist : un profil possédant des compétences en business, marketing, statistiques, maîtrisant les nouvelles technologies de data management et les logiciels de développement. Rien que ça ! Un véritable mouton à 5 pattes comme il le dit si bien.
C’est au tour de Guillaume Guyard, Head of digital et CRM, de nous présenter l’utilisation de la segmentation des datas au sein de l’entité Danone.
Pour illustrer ses propos, Guillaume reprend l’idée de Vincent concernant la multiplication des points de contact à travers ce qu’il nomme le “People Based Marketing”. L’idée reste la même : Quelles communications de la marque le consommateur a été réellement exposé et engagé. Cela passe par le display réellement vu, les recherches, les applications, les radios numériques etc.
Le projet de développement d’une DMP a pris chez Danone 24 mois. Mais avant de commencer l’activation, Guillaume nous explique qu’il a fallu faire l’état des lieux de l’écosytème digital Danone, c’est-à-dire tous les assets digitaux développé par la marque pour pouvoir les rationaliser par la suite. L’équipe de Guillaume a donc connecté tous les assets web et mobiles des différentes marques du groupe Danone, également les webservices tiers de confiance délivrant les coupons de réductions, le direct marketing (emailing entre autres) et enfin les éléments en provenance des réseaux sociaux (commentaires, publications…).
Guillaume propose une version un brin futuriste de l’imbrication de la DMP avec l’ajout côté activation de l’IPTV. En effet, selon lui la prochaine révolution dans l’ère de la programmatique va être le pouvoir d’acheter en temps réel les spots TV publicitaires en RTB classique.
Pour nous montrer comment la DMP aide Danone à transformer ses prospects en client, puis en ambassadeur de la marque, Guillaume nous raconte l’histoire fictive de Jean, 40 ans, food lover. Jean au départ, n’est pas encore connu de l’écosystème Danone, il n’est pour l’instant qu’un prospect. Pour toucher Jean, Danone va pousser une native ad sur le site partenaire 750g. A partir du clic sur la publicité, Danone va commencer à récolter des informations contextualisées sur Jean et pousser tout au long de sa navigation des communications en lien avec ses données : une publicité sur sa recette préférée en top-ranking sur Google, d’autres publicités en retargeting le lendemain sur des suggestions de recettes.
Au fur et à mesure de son parcours utilisateur, Danone va faire profiter Jean de services tout en récoltant à chaque fois plus de données. Grâce aux cookies, Danone peut même pré-remplir certains champs des formulaires pour Jean.
Jean devient à ce moment un client connu. Le marketing direct peut ensuite prendre le relais du paid media avec l’envoi d’un emailing personnalisé proposant un coupon de réduction utilisable en magasin. Jean fini donc par acheter. L’expérience peut ensuite continuer sur mobile avec l’installation de l’application Dan-On par Jean.
Jean devient alors un client multicanal du programme CRM Dan-on. En partageant ses recettes Dan-on préférées sur les réseaux, Jean devient à son tour un ambassadeur de la marque.
A travers ce scénario, Guillaume souhaite nous montrer que plus on récolte de petits indices sur les prospects ciblés, plus on peut recibler de manière contextualisée en temps voulu pour maximiser la conversion.
Un tel projet de DMP prend du temps et n’est pas aisé à mettre en place. Guillaume partage avec nous quelques enseignements.
Les intervenants dans la mis en place de la DMP peuvent être très nombreux, c’est pourquoi il est important selon lui de définir en amont les rôles et les responsabilités de chacun. Il faut ensuite selon lui bien définir les objectifs marketing : recrutement, fidélisation ou notoriété, sans quoi le projet est voué à l’échec. Puis Guillaume insiste sur le fait qu’il ne faut pas croire que la DMP est une solution automatique car il faut parfois créer des segments manuellement. Il est important d’après lui de nommer un chef de projet pluri-disciplinaire compétent sur l’écosystème digital. Connaître ses KPI est également un élément indispensable selon Guillaume.
A moyen terme / long terme, Guillaume conseille de poser 3 questions avant de mettre en place une DMP :
- Quid de la gouvernance de la data (qui, quand, pourquoi, comment) ?
- Quelles sont les capacités techniques, financière et RH ?
- Qui gère la DMP : une agence en outsource ou en in-source ?
Pour clôturer cette thématique, place aux questions du public :
J’ai acheté des billets pour une destination, or les pubs me reciblant me proposent toujours cette même destination. Pourquoi ?
Guillaume : Il s’agit probablement d’un simple oublie d’un lien entre le CRM et l’agence. Le problème c’est que le projet n’est pas normalisé donc tout le monde a ses contraintes.
Qu’est-ce que Danone vend pour cibler de la blanquette de veau ?
Guillaume : Les marques vendent désormais un service plutôt qu’un produit. Dans le vertical de l’alimentaire, nous nous sommes demandés quelle valeur de proposition nous pourrions offrir à nos utilisateurs. Nous avons donc pensé à un nouveau programme qui permet de faciliter la vie au quotidien dans l’acte de faire ses courses et de manger équilibré. L’intérêt du consommateur pour ce programme est réel.
Quelle est la différence entre la data warehouse et une DMP ?
Vincent : La datawarehouse est l’endroit où l’on va stocker les données, tandis que la DMP est branchée à tout un écosystème.
Quelle est la Valeur ajouté pour Jean et comment la mesurer ?
Guillaume : Danone a effectué une étude de marché en amont pour montrer qu’il y a bien un intérêt réel pour le consommateur. Ce dernier y trouve son compte car l’offre apparaît au bon endroit, au bon moment. La DMP nous aide à utiliser le contexte pour pousser un message à un moment clé. Cela fait donc sens pour le consommateur.
Un grand merci à Vincent et Guillaume de nous avoir partagé leurs retours d’expériences sur cette thématique et d’avoir répondu aux questions de l’audience. La soirée se termine comme à son habitude autour d’un Cocktail dînatoire dans une ambiance informelle.
Relais médias
Retour d’expériences de Yann Gourvennec
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