NON, les marques ne sont pas des médias
Cela fait quelque temps que j’ai envie de rédiger un article autour de cette idée de plus en plus répandue que les marques doivent devenir des médias. Lorsque l’on parle de médias, la comparaison est généralement faite avec les chaînes de TV généralistes, dont le rôle est de divertir et/ou d’informer. Ce n’est pas un sujet proprement technologique (quoique, une fois des contenus produits, il faut bien les diffuser et en mesurer la performance), mais bien un sujet de stratégie digitale et que je voulais partager.
L’avenir des marques serait donc de devenir des médias pour développer un lien direct avec leurs audiences, en produisant et en diffusant des contenus divertissants et originaux, en grand nombre et destinés à des audiences de taille variée, comme une chaîne de TV.
Cependant, cette vision omet 2 choses essentielles : la présence d’un espace publicitaire au sein des médias et la dimension subjective de la marque. Or, pour être valide, toute analogie doit être faite en vérifiant que chaque élément qui la compose est bien utilisable et vérifiable (c’est là mon passé d’étudiant en sociologie et en science politique qui ressort ;-))…
Qu’est-ce que cela veut dire ? Dans mon esprit, si une marque peut effectivement devenir productrice et distributrice de contenus (RedBull est un exemple superbe, de même BlendTec avec « Will it Blend? » ou Leroy Merlin avec « Du côté de chez vous »), cela ne signifie pas pour autant qu’elle devienne un média, pour les 2 raisons fondamentales évoquées plus haut.
La nécessité de l’espace publicitaire au sein des médias
Un média, et je pense ici d’abord aux chaînes de TV, vit en vendant de l’espace publicitaire (en plus de potentiellement vendre l’accès à sa consultation). Son enjeu est donc d’attirer et de conserver une audience, pour permettra à des marques de s’exposer à cette audience. Et, par rebond, de permettre à ces marques de vendre leurs produits.
Pour une marque, la problématique est complètement différente car elle vise avant tout à vendre son (ses) produit(s). Aujourd’hui, quelle marque serait prête à accueillir un concurrent dans son dispositif de communication ? Pour prendre un exemple français, Canal+ (chaîne de TV par abonnement) achète de l’espace publicitaire sur TF1 (chaîne de TV accessible à tous), son concurrent, pour vendre des abonnements. Or, si RedBull vend de l’espace publicitaire à Tag Heuer, Garmin ou Suzuki dans son magazine RedBulletin, je pense que l’on n’est pas près de voir Coca-Cola y acheter de l’espace (voire RedBull être prêt à en vendre).
La dimension subjective de la marque
2e élément fondamental : une marque est par principe subjective, alors que l’on attend d’un média qu’il soit objectif, même si ne l’est jamais vraiment totalement.
Cette objectivité des médias repose sur des règles déontologiques ou légales (l’encadrement du placement de produits par exemple) et ne sont pas viables pour une marque. Allez donc empêcher Samsung de parler de ses produits sur son site, ou, pour garder l’exemple précédent, allez dire à RedBull qu’il est interdit de montrer une canette quand ils font un reportage au sein d’une de leurs équipes de foot ou pendant les X‑Games ! Je pense aussi à cet acteur international de l’énergie qui remplaçait dans toutes ses communications le terme « nucléaire » par « énergie sans carbone » : plus propre, mais une façon aussi de masquer la réalité… Un journaliste ne ferait probablement pas cela.
Créer et diffuser des contenus revient à donner un point de vue sur le monde, à construire une vision du monde, et les marques doivent utiliser au sein de ces contenus des termes choisis en accord avec leurs valeurs et les messages qu’elles veulent faire passer. C’est même nécessaire pour atteindre leurs objectifs de visibilité, de réputation, d’engagement.
C’est pour cela que l’assimilation Marque=Média me semble aujourd’hui bien trop rapide et erronée. Si une marque peut et même doit devenir productrice de contenus pour développer sa notoriété et entretenir sa relation avec ses cibles, je considère que parler de marque‑média est une erreur stratégique autant que de communication : ceci n’engage que moi mais j’y crois fortement ! Et de votre côté, quel est votre point de vue sur le sujet ?