Florian De Gesincourt, Concept Artist et Directeur Artistique : un souffle de liberté (créatif)

Je suis addict à la vie de freelance. […] J’aime le risque et surtout j’aime ma liberté.

Florian de Gesincourt

— En partenariat avec Tuto.com

Florian de Gesincourt - portrait interview
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Aujourd’hui, retrouvons Florian De Gesincourt. Il est freelance, Concept Artist et Directeur Artistique récemment basé à Barcelone. Parmi ses spécialités : le concept design, l’illustration d’environnement pour les films, jeux vidéo et jeux de cartes. Ses principaux clients sont Wizards of The Coast (cartes Magic The Gathering), Donjons & Dragons, et Ubisoft (Tom Clancy, The Division). Il a pris le temps de répondre à nos questions concernant son workflow et son parcours atypique.

  1. Pour commencer, peux-tu te présenter et revenir sur ton parcours plutôt singulier ?

J’ai mis beaucoup de temps à savoir ce que je souhaitais faire dans la vie. J’étais tout d’abord un scientifique, très attiré par l’électronique et l’informatique. J’ai eu mon diplôme d’IUT informatique, mais après ces 3 années d’études, j’ai compris que ce n’était pas fait pour moi (et surtout trop sérieux…). J’ai toujours aimé le dessin, mais je ne comprenais pas comment on pouvait en faire un métier. Après mon diplôme d’informatique, je suis parti en école de graphisme publicitaire. C’est à ce moment-là que j’ai compris que l’image était le domaine fait pour moi !

Après avoir eu mon diplôme, je suis allé à Paris, travailler dans la publicité, mais la crise de 2009 faisant rage, je n’ai pas pu garder mon emploi… C’était une bonne chose au final car j’ai obtenu un emploi dans la publicité à Dubaï, moi qui adore voyager, j’ai sauté sur l’occasion. Là-bas, j’ai commencé à apprendre l’anglais (indispensable pour notre métier) et j’en ai profité pour pratiquer le matte painting, le soir, chez moi.

Mais travailler chez moi le soir ne me suffisait pas, je ne comprenais pas comment évoluer et surtout comment en faire un métier. J’ai donc décidé de tout quitter et de rentrer en France où durant plusieurs mois j’ai pratiqué le dessin en regardant des vidéos des meilleurs artistes du moment et quelques tutoriaux (rares en 2010). 6 mois plus tard, j’avais mon premier travail dans un petit studio à Marseille comme Concept Artist ! Là j’ai commencé à vraiment être heureux.

Pour faire court, après 2010, j’ai parcouru le monde dans divers studios, de contrats en contrats, Chine, Canada, Slovénie, France, Angleterre… Mon but était de voyager et travailler. Je n’ai pas trop cherché à travailler pour les plus gros studios, j’ai préféré commencer petit pour tout apprendre.

  1. Tu es aujourd’hui freelance, peux-tu nous dire ce qui te plaît dans ce métier ?

Je suis addict à la vie de freelance. Ce n’est pas évident tous les jours, être employé serait beaucoup plus simple (moins d’administratif, moins de compétition, plus de stabilité), mais j’aime le risque et surtout j’aime ma liberté. Je m’organise, j’organise mon emploi du temps, je suis en vacances quand je veux l’être et lorsque je travaille, c’est à 200%. Être en freelance me permet aussi de choisir mes contrats, et entre deux contrats, je travaille pour moi, c’est-à-dire que j’étudie de nouvelles techniques, j’essaye d’apprendre encore et encore pour toujours évoluer. En étant employé je sais que je n’aurai jamais le courage de travailler le soir en rentrant chez moi. Aussi, certains contrats (de quelques semaines ou quelques mois) me font aller chez un client et travailler dans le studio avec les autres artistes. J’ai une vie comme un employé, ce qui me permet d’avoir un peu de stabilité et du social de temps en temps.

Florian de Gesincourt - Illustration jeux vidéo
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  1. En Slovénie, en tant que Directeur Artistique, tu as travaillé sur le jeu de l’adaptation du film “the Expendables” avant même sa sortie, avec un petit budget (800 000 euros), et beaucoup de contraintes à respecter. Tu t’es occupé de la partie video game, qu’as-tu mis en place afin de surmonter toutes ces difficultés ?

Mon travail dans ce petit studio est peut-être celui où j’ai le plus appris (et ce pays est magnifique !) Je suis arrivé là-bas sans savoir où j’étais vraiment. Mon travail au début était simplement de Concept Artist. Mais la team m’a élu Directeur Artistique après seulement un mois. Je n’avais encore aucune expérience dans ce métier, j’avoue que j’ai eu un peu peur. Mais j’adore les défis alors j’ai accepté !

On travaillait sur “The Expendables”, mais aussi en même temps sur deux autres jeux (“Marlow Briggs” et “NarcoTerror”). J’ai dû tout apprendre, tous les métiers du jeu vidéo : le rôle d’un game designer, d’un level designer, comment parler aux programmeurs, aux animateurs, etc… C’était du temps plein, beaucoup de travail tous les jours pour aller voir chaque personne et constater l’évolution, commenter et vérifier avec le producteur que tout se passait bien (ce qui n’arrivait presque jamais…). C’était intense et très excitant !

Ce que j’aimais surtout, c’était manager la team, la motiver, travailler avec elle et qu’ensemble, on arrive à créer des jeux qui plairont aux joueurs. Mais au bout d’un temps, dessiner me manquait… Je n’avais plus le temps pour créer des concepts, ce n’était que du management… Après 14 mois dans ce studio, les 3 projets finis, j’ai décidé de rentrer en France pour me remettre au freelance et surtout dessiner. Mais je reviendrais sûrement au poste de Directeur Artistique lorsque j’aurai acquis plus d’expérience.

  1. En parlant conception, quelles sont les grandes étapes dans la conception d’un jeu vidéo ?

Concevoir un jeu prend beaucoup de temps et d’argent, donc ça ne se fait pas à la légère… L’idée du jeu est très importante, son originalité, mais attention à ne pas vouloir juste être différent des autres, car si quelque chose ne s’est pas encore fait dans le jeu vidéo, c’est qu’il y a sûrement une raison. Une fois une bonne idée et un script écrit, il faut de bons concepts pour avoir une première visualisation du jeu (et cela aide à avoir des investisseurs). Ce sont les concepts post-production. Ensuite, il faut le moteur 3D qui corresponde au jeu. Plusieurs studios créent leur propre moteur, mais cela demande beaucoup de travail et ce n’est pas forcement rentable par rapport à des moteurs onéreux mais qui offrent beaucoup plus de possibilités. Puis, une fois que l’on a tout cela, c’est l’équipe qui va créer le jeu. De bons artistes, Level Design, Game Designer, Animateurs, Programmeurs, Environment Artist, Art Directeur… Il faut que tout le monde s’entende bien sur la finalité du jeu. Donc au final, il n’y a pas vraiment d’étapes pour créer un jeu, mais plutôt de bonnes idées et une bonne équipe, quel que soit l’ordre de création.

  1. Quelles sont les étapes entre le concept art et la réalisation finale in-game ?

Une fois que le concept est validé par le Directeur Artistique et le Producteur, il est envoyé aux Environment Artists qui réalisent le concept dans le niveau en 3D. Le défi, c’est qu’avec une seule image ils doivent réussir à créer quelques fois un niveau entier. C’est pour cela que le concept art dans le jeu vidéo est rempli de nombreuses informations, que cela soit l’ambiance, les détails de l’histoire et ce que le joueur va faire/rencontrer dans le niveau.

Souvent, une fois que le concept est terminé et validé, je vais voir les Environment Artists pour discuter avec eux sur le concept et sur leur niveau. Bien entendu, je ne fais jamais de concept sans déjà être en communication avec eux, ils sont généralement très au courant du concept que je vais leur fournir, ainsi je ne pars pas hors sujet.

Créer l’environnement en 3D prend beaucoup de temps contrairement au concept, et subi beaucoup de tests que ce soit pour le gameplay, les collisions, les performances. C’est pour cela qu’il faut bien être au courant des restrictions lorsque l’on dessine le concept.

Florian de Gesincourt - workflow composition
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Florian de Gesincourt - workflow composition
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  1. Tu as publié deux formations très différentes sur Tuto.com. Quelles sont les similitudes en termes de workflow ? As-tu des astuces ou méthodes à transmettre à nos lecteurs ?

Effectivement, les deux workflows sont identiques. La seule différence, c’est le point de départ qui est pour l’un partir d’une image et le second, partir d’une feuille blanche. Mais ensuite, tout se ressemble !

Lorsque je pars d’une image, c’est assez certain que je vais continuer en ajoutant de nouvelles photos, en peignant dessus pour adapter la lumière et en faisant bien attention de respecter la colorimétrie pour que ce soit bien intégré. Dans le second tuto, je suis parti d’un sketch qui me plaisait, mais là encore j’avais ma base de données de photos en permanence sur mon second écran pour être certain que ce que je peigne ressemble aux photos que j’ajoutais à mon concept. Souvent, je peins mon image et c’est une fois que ma composition globale ainsi que ma lumière sont bien posées que je vais intégrer des photos. Mais pas partout, seulement dans les zones importantes, là où je veux que la personne regarde. Si j’arrive bien à faire cela, ça ne me sert à rien de rendre toute l’image réaliste car inconsciemment, la personne qui regarde mon image va associer les textures manquantes aux zones qui n’en n’ont pas. C’est une manière de gagner du temps et le temps est précieux !

Vous pouvez d’ailleurs retrouver des formations Photoshop sur Tuto.com pour maîtriser les techniques de concept art.

Voici un exemple d’illustration proposée par Florian De Gesincourt dans son tuto Concept art depuis les bases de Photoshop :

  1. Dans la réalisation de tes projets, utilises-tu d’autres outils Adobe et si oui lesquels ?

J’utilise principalement Photoshop pour mes concepts. Mais il peut aussi m’arriver d’utiliser Lightroom pour afficher ma base de données en permanence sur mon second écran et facilement naviguer parmi toutes mes références. Lorsque je fais des tutos vidéo, il m’arrive d’utiliser Adobe Premiere pour finaliser le montage.

  1. Quelles sont tes influences, tes références qui t’inspirent dans ton travail ?

Mes influences sont de toutes sortes… Étant donné que je suis assez mauvais pour retenir les noms, j’ai créé un dossier de références sur mon ordinateur. Là-dessus, je sauvegarde chaque image qui m’inspire, qui me parle et que j’aime. Cela peut être n’importe quel artiste et pas forcément les meilleurs.

  1. Sur quels projets t’épanouis-tu le plus ? Les jeux vidéo, les films, les cartes ?

J’aime vraiment beaucoup travailler pour les jeux vidéo pour plusieurs raisons : créer des environnements que les joueurs pourront explorer en regardant chaque détail, ressentir des émotions… C’est vraiment quelque chose que j’aime faire.

Mais depuis peu, je travaille dans le film, c’est un tout nouveau monde pour moi et ça me stimule beaucoup ! Tout simplement car je vois que j’ai encore beaucoup à apprendre et à faire et cela me motive énormément !

  1. Quels sont tes projets à venir ?

Je suis rentré dans cette industrie en ayant comme objectif de travailler dans le film. Mais je ne sais pas trop pourquoi, ma carrière s’est orientée vers le jeu vidéo alors que je n’y connaissais vraiment rien (je ne suis pas du tout un gamer). Mais après maintenant plusieurs années d’expérience, je reviens vers le film ! Et pas n’importe lequel. Malheureusement je ne peux rien dire à ce sujet ni rien révéler…

  1. Tu viens d’emménager à Barcelone, en quoi cette ville t’inspire dans ton travail ?

J’habite entre Barcelone, Londres et la France. Je jongle entre ces trois pays, mais effectivement, Barcelone est récent ! Depuis longtemps je cherchais une ville au soleil et proche de la mer (et en Europe), je ne pouvais pas trouver mieux que Barcelone ! Proche de la France, ville internationale et rapide d’accès depuis Londres, puis j’étais vraiment désireux d’apprendre une troisième langue.

Personnellement, je sais que je travaille de manière plus efficace si je suis dans un environnement ensoleillé, j’ai besoin du soleil pour être heureux et je travaille mieux lorsque je suis heureux.

  1. Un dernier mot à adresser aux lecteurs du blog d’Adobe ?

Il n’y a pas de secret ! Pour entrer dans cette industrie ou même y rester, il faut beaucoup travailler et connaître la direction que vous souhaitez prendre. C’est aussi très important d’être auto critique et de savoir où vous êtes mauvais et où vous êtes bon. Je vous conseille de surtout travailler vos points forts et de devenir expert dans ce que vous aimez. Vous aurez ensuite tout votre temps pour travailler vos points faibles car vous aurez déjà des clients.

Florian de Gesincourt - Illustration jeux vidéo
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Florian de Gesincourt - Illustration jeux vidéo
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Florian de Gesincourt - Illustration jeux vidéo
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