Cadrage, montage, reportage vidéo : une dose d’adrénaline avec Aurélie Monod !

Il faut vraiment se poser la question de ce que l’on souhaite raconter. […] Maîtriser la technique c’est important, mais ça ne doit pas être l’élément central d’une vidéo.

– En partenariat avec Tuto

Portrait d'Aurélie Monod
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Cadreuse, monteuse, réalisatrice de reportages (notamment sur des événements sportifs tels que le Freeride World Tour, la Skiers Cup, le Red Bull Elements…) et opératrice ralentis sur les lives des compétitions, nous avons le plaisir aujourd’hui d’interviewer Aurélie Monod.

Parallèlement à toutes ces activités, elle est aussi formatrice vidéo, certifiée Adobe et Apple, pour de grandes écoles et centres de formation. Elle intervient également en tant que consultante en workflow auprès de chaînes de télévision ou sociétés de production et assure des démonstrations pour Adobe.

  1. Pour commencer, pourrais-tu te présenter et revenir sur ton parcours ?

Je travaille dans la vidéo depuis une quinzaine d’années, après avoir fait cinq ans d’études dans le domaine. J’ai commencé ma carrière comme assistante camera en fiction puis je suis devenue responsable technique de l’école de journalisme de SciencesPo. Je suis aujourd’hui cadreuse, monteuse et réalisatrice freelance, mais aussi formatrice, consultante, opératrice ralentis, journaliste pour Mediakwest… Bref des activités variées, mais toujours centrées sur la vidéo.

  1. Quand et comment t’es venue ta passion pour la vidéo ?

Elle m’est venue toute petite. J’ai eu la chance d’avoir un père passionné qui m’a mis très tôt un appareil photo ou un caméscope dans les mains. J’ai ainsi pu commencer jeune à filmer les voyages familiaux, des petites fictions ou les exploits à ski de mes copains, que je montais à l’ancienne sur un banc trois machines. C’est beaucoup plus facile pour les enfants aujourd’hui, qui peuvent tourner et monter avec leur téléphone des vidéos de bien meilleure qualité, ce que je les encourage à faire !

  1. Tu es présente dans le monde du sport et plus particulièrement dans celui du ski, qu’est ce qui t’attire dans ce domaine ?

J’ai grandi en Savoie où on commence à skier dès qu’on sait marcher donc c’est un monde dans lequel j’ai toujours baigné. Par la suite mes copains ont commencé à m’emmener en dehors des pistes, on passait nos soirées à regarder des films de ski, j’ai épousé un skieur… J’avais donc vraiment envie d’aller vers ce domaine.

Les hasards de la vie ont fait que j’ai d’abord travaillé dans le cinéma puis dans le journalisme avant de revenir aux sources. Je suis ravie aujourd’hui de filmer les skieurs qui me faisaient rêver adolescente, mais aussi la jeune génération. Le décor de la montagne me plaît bien sûr, j’ai beaucoup d’admiration pour l’engagement de ces athlètes et j’apprécie énormément les personnes avec qui je partage ces aventures, notamment les équipes réunies par David Arnaud, avec qui j’ai beaucoup de plaisir à collaborer.

Tournage en montagne-crédit Mathieu Coldebella.
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Tournage en montagne (crédit Mathieu Coldebella)

  1. Quel est ton matériel vidéo préféré (boîtier + focale ou autre matos) ?

J’utilise différents types d’appareils en fonction des projets. Je trouve les caméscopes Sony très bien pensés et fiables, parmi lesquels la FS700 reste une référence dans le domaine de la vidéo de sport, de même que les RED et Phantom. En terme de boîtier, j’apprécie particulièrement le Nikon D810, vraiment orienté vidéo, avec un 28-300mm très pratique pour tout couvrir, des focales fixes pour une plus grande ouverture ou un 80-400mm au piqué impressionnant, avec toujours une visée Zacuto pour être sûre d’avoir le point. En complément, j’ai toujours un appareil très compact : Nikon AW130 pour les images sous-marines par exemple ou Gopro montée sur un gimbal, aux rendus étonnants.

  1. Tu travailles également lors des directs de différentes compétitions sportives. Quelles sont les spécificités du direct ?

J’ai envie de dire que c’est surtout un travail sur soi, une gestion du stress. Si on est entouré par une équipe de bons techniciens qui ont bien configuré la régie et qui sont à nos côtés en cas de souci technique, comme c’est le cas avec les équipes de Steeve Morales, on peut se concentrer uniquement sur sa partie. Il faut bien connaître sa machine et l’activité filmée pour savoir d’instinct quelles actions ralentir et comment le faire. Une fois que c’est parti, c’est une concentration très intense mais vraiment stimulante, j’adore ça. Vincent Vernier, le réalisateur avec qui je travaille le plus souvent, est toujours calme et positif, ce qui aide à le rester aussi. Et c’est parfois très long : en janvier, on a enchaîné six heures de live, avec juste une pause de cinq minutes pour les besoins naturels, c’était épuisant mais excellent !

  1. Préfères-tu travailler sur la confection de reportages ou bien sur du live ?

J’aime beaucoup le reportage et le live, même si les deux sont des approches différentes. Le live a une forte énergie, mais après coup un court clip se regarde plus facilement qu’un live de plusieurs heures. Dans les deux cas j’aime travailler dans le stress de l’urgence, qui peut être très stimulant. On le trouve dans les lives bien sûr, mais aussi dans les montages qu’il faut effectuer pendant un événement quand il s’agit d’un newscut, ou au plus vite après, souvent dans la nuit qui suit, pour un highlights.

Je songe de plus en plus à réaliser un documentaire sur un sujet qui m’est cher, ce qui serait un rythme et une approche du sujet nouveaux pour moi.

  1. Quel est ton workflow lors de la réalisation d’un reportage ?

Tout d’abord bien discuter avec le client et écrire ensemble le reportage, car ce qui importe le plus c’est ce que l’on souhaite raconter. La manière de le faire doit en découler et non l’inverse. On a alors une idée des plans dont on a besoin, ce qui aide énormément à la prise de vue, même si bien sûr il reste une part d’imprévu.

Ensuite je cherche le matériel le plus adapté, notamment en fonction des contraintes de tournage : en haute montagne on va forcément chercher du matériel léger pour ne pas trop gêner ses déplacements alors que dans un hôtel on pourra utiliser un slider par exemple.

Une fois les images tournées, je les sécurise sur plusieurs disques durs avant d’attaquer le montage, dont un G-Tech rapide qui sera mon disque de travail. De même, je copie toujours des versions des fichiers projets “dans les nuages”, via le Creative Cloud d’Adobe ou simplement dans une Dropbox. Des crashes de disques m’ont rendue parano…

Le montage est la partie la plus longue, mais c’est aussi là que l’histoire prend forme donc c’est passionnant. Je montre les bout à bout au client pour voir si nos visions coïncident et une fois qu’on s’est mis d’accord sur une version, je passe à la finalisation : mixage, étalonnage et habillage. Je lui livre alors des fichiers qui seront publiés sur le net ou lus sur des ordinateurs, car les supports type DVD ne sont plus d’actualité.

  1. Tu es l’auteur d’un livre intitulé “Monter ses vidéos avec Premiere Pro” et tu proposes sur Tuto.com 5 volumes consacrés à Premiere. Qu’est ce qui te pousse à transmettre tes connaissances ?

J’ai un métier dans lequel on travaille souvent seul, donc on prend des habitudes. Donner des formations force à connaître ses outils plus en profondeur, à ordonner ses idées, à chercher d’autres méthodologies et à se confronter à des problématiques différentes. C’est très enrichissant, ça fait progresser dans son domaine.

Voici un extrait de la formation “Votre montage vidéo avec Premiere Pro CC” réalisée par Aurélie Monod sur Tuto.com. Vous pouvez d’ailleurs retrouver des tuto Premiere Pro sur Tuto.com pour apprendre à réaliser vos propres montages vidéo.

  1. Utilises-tu des logiciels en complément de Premiere Pro, comme Speedgrade par exemple pour l’étalonnage ?

Pour ma part, j’utilise le panneau Lumetri de Premiere Pro, qui correspond parfaitement à mes besoins. Quand un film nécessite un étalonnage plus poussé je l’envoie à un étalonneur qui lui va utiliser ce type de logiciel et sera bien meilleur que moi pour obtenir le rendu recherché. Selon les projets, je vais assurer toutes les étapes du workflow avec les applications dédiées du Creative Cloud, ou sous-traiter auprès d’un graphiste, étalonneur, ingé son…

  1. Quel est selon toi, la chose essentielle à savoir avant de se lancer dans Premiere Pro ?

Il faut vraiment se poser la question de ce que l’on souhaite raconter. Premiere Pro est un excellent logiciel, mais qui reste un outil pour mettre bout à bout des plans dans le but de créer une histoire, et c’est elle qui est essentielle. Maîtriser la technique c’est important, mais ça ne doit pas être l’élément central d’une vidéo.

Avoir des notions sur les formats vidéo va aussi aider à conserver la qualité optimale du début à la fin de la chaîne de production, qu’il vaut mieux connaître avant de se lancer.

  1. De plus en plus de réalisateurs, journalistes, photographes même, utilisent leur DSLR pour filmer. Selon toi, quels impacts les DSLR ont eu sur le métier de réalisateurs ?

Les DSLR ont vraiment été une révolution. Leurs grands capteurs ont permis d’obtenir des images avec un rendu bien plus agréable que les caméscopes du fait de la faible profondeur de champ et du piqué des optiques. Cela était avant réservé à des caméras beaucoup plus haut de gamme. Comme ils sont compacts, modulables et abordables, ce n’est pas étonnant qu’ils se soient autant répandus, d’autant plus qu’ils permettent aussi de prendre des photographies : un tout-en-un idéal. Pour les photographes qui possèdent déjà un boîtier, ça leur ouvre les portes de l’image animée où le marché du travail se porte mieux.

  1. Quel est ton regard sur la 4K ainsi que le “high frame rate”?

C’est indéniablement l’avenir comme l’a été le passage à la HD. En Asie ils diffusent déjà en 4K, mais pour nous pour l’instant c’est le plus souvent un format de captation qui permet de recadrer l’image en post-production sans perte de qualité pour un film en HD. Quant au HFR c’est sûr qu’une plus haute cadence augmente forcément la fluidité et donc le confort de visualisation. Mais pour l’instant je suis surtout intéressée par les cameras type Phantom qui filment à haute cadence pour offrir des ralentis très poussés qui créent une image à la frontière entre fixe et animée.

  1. De même as-tu déjà tourné quelques images dans des conditions pro avec un iPhone dernière génération ?

Je n’ai pas eu l’occasion de tourner avec un iPhone, dont j’avoue que l’ergonomie ne me semble pas vraiment adaptée à moins d’être monté sur un gimbal, par contre j’ai été amenée à monter des images faites avec, notamment des scènes de ski au ralenti impressionnantes. La qualité est incomparable avec ce que donnait une Betacam il y a quinze ans, pour un poids et un prix qui le sont aussi. J’aime beaucoup cette évolution qui permet aujourd’hui à tout le monde de créer ses propres vidéos.Ce n’est plus l’accès à des moyens techniques qui fait la différence mais la créativité.

  1. Justement, puisqu’on parle de mobilité, as-tu déjà testé l’application mobile Adobe Premiere Clip ? Si oui peux-tu nous donner ton feedback ?

Adobe joue le jeu de la mobilité en développant des applications pour tablettes et téléphone qui vont dans le sens des nouvelles pratiques offertes par ces outils, qui permettent d’assurer toutes les phases d’une production vidéo. Sur les projets sur lesquels je travaille, la captation est assurée par des caméras et le volume de rushes trop important pour être traité par une tablette, mais j’ai déjà utilisé les versions mobiles de Photoshop et Premiere pour traiter un instantané pris au téléphone, et ai été bluffée par les outils, qui sont bien plus simples que les versions professionnelles tout en étant efficaces.

  1. Ton métier de vidéaste te permet de beaucoup voyager, quelle est la destination qui a été pour toi la plus riche en images ?

Le Freeride World Tour m’a emmenée en Alaska, où j’ai pu voir des aurores boréales (un vieux rêve) et goûter cette neige mythique. Mais l’expérience la plus riche en images a sans doute été le tournage pour la réserve Makutsi, en Afrique du Sud, à la rencontre de ces animaux magnifiques… Un grand plaisir, d’autant plus qu’il a pu être partagé avec mon mari, et un énorme volume d’images, qu’il n’a pas été facile de sélectionner au montage.

Shooting video dans une reserve d'Afrique-crédit Boris Monod
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Shooting video dans une réserve d’Afrique (crédit Boris Monod)

Camp de base en Alaska sous les aurores boréales-crédit Aurelie Monod
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Camp de base en Alaska sous les aurores boréales (crédit Aurélie Monod)

  1. Quels conseils pourrais-tu donner à ceux qui voudraient devenir réalisateur ?

La vidéo s’est incroyablement démocratisée, on peut aujourd’hui tourner, monter et diffuser un film avec un téléphone, ce qui était impensable il n’y a pas si longtemps. J’encouragerais donc ceux qui ont envie de faire ce métier à réaliser leurs propres vidéos pour se faire la main. Faire des études m’a beaucoup appris, mais je connais de bons réalisateurs autodidactes donc ce n’est pas forcément un passage obligé. La difficulté aujourd’hui va être de se démarquer du flot de vidéos disponibles sur le net, et pour cela il faut une belle histoire et bien la raconter.

  1. Quelle est la réalisation dont tu es la plus fière ?

Je suis très honorée de représenter Adobe au SATIS, d’enseigner à Louis Lumière ou que Nikon ait fait appel à moi pour présenter les fonctions vidéos du D810. Lire des commentaires positifs sur mes tutos me touche. J’adore être sur une montagne pour filmer des skieurs de la trempe de Seth Morrison, puis monter les images de toute l’équipe. J’ai été émue en recevant d’Eyrolles le premier exemplaire de mon livre, car c’était la première fois que mon travail se concrétisait en un objet.

Bref, j’ai du mal à définir ce qui me rend la plus fière, peut-être de collaborer avec ces institutions prestigieuses depuis mon village de montagne ? Quand j’ai quitté Paris certains prédisaient la fin de ma carrière, mais on peut aussi s’épanouir professionnellement loin de la capitale, surtout si on reste mobile.

Présentation-du-Nikon-D810-(crédit-Roland-Serbielle)
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Présentation du Nikon D810 (crédit-Roland-Serbielle)

  1. Quels sont tes projets à venir ?

J’aimerais continuer à faire ce que je fais actuellement, car je me régale. C’est varié, dans des univers différents, avec des équipes avec qui je partage de belles aventures… J’ai aussi un projet de documentaire qui me trotte dans la tête et pour lequel je commence à me sentir assez mûre pour oser me lancer. A voir si j’arriverais à le mener au bout ?

Visionnez également le replay de la Masterclass animée par Aurélie Monod sur notre chaîne YouTube !