Le digital au service de ce consommateur qui vous paie
Quelques Leçons tirées de la présentation de Régine Vanheems au forum cross canal du 07/07 2016
Cet article a été écrit par notre reporter Yann Gourvennec.
Le forum Adobe du cross-canal qui s’est tenu le 07 juillet à Paris_ a été l’occasion de faire le point sur le parcours client à l’heure du digital et de remettre le client au centre de nos réflexions. Une leçon plus ancienne que l’on croit, mais trop souvent oubliée malgré les discours marketing. Cette approche, fortement teintée de ce que l’on nomme “design thinking”, met le digital et tous les outils de la relation client au service de ce nouveau consommateur, que Régine Vanheems a décrit dans une interview exclusive qu’elle nous a accordée après sa présentation._
Le client est déjà au centre de tout
À chaque fois que j’aborde ce sujet du CRM je me fais la même réflexion : le besoin de rappeler qu’il faut remettre le client au “centre des préoccupations” du commerce est l’aveu que nos parcours clients (en B2C mais aussi en B2B) ne sont pas créés ni entretenus dans cet esprit, pourtant central et essentiel du business. Comme l’a dit le fondateur de Walmart Sam Walton, cité par Régine Vanheems dans sa présentation introductive du forum cross canal du 07 juillet 2016 : « c’est le client qui paie vos salaires. L’employeur n’est qu’un dépositaire de son argent ».
Voilà une leçon que le génial Aristide Boucicaut, fondateur du Bon Marché et inventeur du commerce moderne, avait déjà comprise lorsqu’il rappelait à ses vendeurs son précepte du client roi (en substance) “c’est vous qui êtes au service du client et non l’inverse”. Il n’en est pas autrement des outils digitaux censés faciliter la vie du client et qui ne réussissent vraiment que quand ils s’en tiennent à cette mission.
Figure 1 : Aristide Boucicaut avait une bosse et c’est de là que viendrait l’expression bien connue image vismavieaparis
Non seulement ces préceptes ont souvent été oubliés mais le consommateur a aussi bien changé depuis Boucicaut. Et il faudra plus d’effort aux marques que la simple “bosse du commerce” de ce génial homme d’affaire pour renouer avec leurs clientèles. De cette bonne utilisation des technologies au service du parcours client naîtra la réussite du terrain. De sa mauvaise utilisation, ou de son oubli, viendront le décrochage concurrentiel d’entreprises incapables de rivaliser avec leurs confrères qui proposeront des offres personnalisées, localisées et liées à un événement client. C’est la réponse à ce nouveau consommateur que Régine Vanheems a décrite dans cette interview réalisée à l’issue de sa présentation.
« Les consommateurs ont plus changé en 20 ans qu’en vingt siècles » (Régine Vanheems)
Il est donc temps, vraiment temps, d’adapter son parcours client aux nouvelles exigences de ces consommateurs, volatils, exigeants et impatients. Le digital fournit la panoplie des outils de cette transformation, qui doit être inspirée des principes du design thinking (voir ci-dessous), afin de mettre le commerce en phase avec ses clients.
Un client irrité et déterminé
“Le consommateur est irrité” nous a déclaré Régine Vanheems dans sa présentation. Peut-être même que ce terme est un euphémisme.
Il est excédé devrait-on dire.
Excédé d’avoir à attendre alors qu’il a déjà commandé en ligne, exaspéré de devoir répéter son nom et son adresse inlassablement à des agents de CRM qui consultent des bases de données non liées, agacé par l’incompatibilité des applications entre les terminaux, crispé à l’idée de trouver, ou non, les informations relatives à ses produits favoris ou la bonne personne pour obtenir le bon renseignement sur le bon produit.
Regine Vanheems, dans sa présentation, nous a invités à nous replonger dans les racines Web : « pour comprendre à quel point le consommateur a changé, il faut faire un retour en arrière avec l’histoire d’Internet » à l’époque où on nous a prédit la mort du commerce physique.
Au début des années 2000, 5–7 ans plus tard, coup de tonnerre avec l’éclatement de la bulle internet où à l’inverse, on nous annonce que c’était l’Internet qui allait disparaître.
Figure 2: selon Régine Vanheems, le changement de préfixe n’est pas seulement affaire de vocabulaire. Omni channel indique clairement une nouvelle ère où le digital est inclus dans le processus commercial
En fait, ni l’une ni l’autre de ces catastrophes ne s’est produite : les deux, commerce physique et Internet, sont devenus indissociables pour mieux servir ce client exigeant décrit par Régine, qui « commence son parcours d’achat dans le ‘virtuel’ et l’achève dans le commerce physique ».
En effet, avec des consommateurs qui « passent plus de 4 heures sur leurs écrans par jour et 78% d’entre eux qui recherchent de l’information en ligne avant d’acheter » il est indispensable d’être présent en amont et d’exister dans la sphère virtuelle pour permettre la conclusion dans le magasin ou encore la commande en ligne pour une livraison en magasin.
Le vrai rôle du digital : servir le client
A chacune de ces étapes, le digital peut et doit jouer un rôle, non dans le but de rajouter une couche de complexité mais au contraire, de se mettre à la place du client, de renverser la pensée et de coller aux préoccupations de ce consommateur connecté et irrité décrit par Régine. La DMP par exemple, permet de croiser les bases de données, de les enrichir de données externes, dans le but de contextualiser l’offre et de l’adapter au parcours de ses clients, voire même de personnaliser ses sites Web à la volée, en fonction d’un profilage comportemental.
Bien utilisé, **le digital va permettre de prévoir et devancer les besoins de ce client irritable **que nous a décrit Régine Vanheems. Il permettra de personnaliser l’offre, de prédire les attentes et de prévenir le départ du consommateur exigeant et excédé qui, n’ayant pas eu réponse à ses questions, sera allé voir ailleurs.
Pour réussir cette transformation digitale, il faudra retrouver les préceptes d’Aristide Boucicaut décrits plus haut : apprendre à se mettre à la place du client et adopter l’approche du design thinking.
Figure 3 : les différentes étapes du design thinking (source : http://www.neomobile-blog.com/design-thinking/)
Quels enjeux demain pour le cross canal ?
Dans cette attente, Regine Vanheems nous a dispensé quelques conseils vis à vis des enjeux de demain :
- D’abord **se défaire des « points d’irritation et adopter le click and collect». **Il faudra notamment intégrer que le client qui a commandé en ligne pour se faire livrer en magasin ne peut pas comprendre pourquoi il faut faire la queue pour aller chercher son produit. Il faudra donc adapter ses processus pour inclure le digital, et non plaquer du digital sur des processus inadéquats.
- Ensuite, il faudra offrir des services inédits, comme Sephora qui permet, au travers du digital, de mieux informer ses vendeuses sur la connaissance client dans un sens d’aide au conseil personnalisé en magasin. Avec ce type d’approche on ne pense plus digital, mais client, le digital est un outil puissant, utile et efficace, et non une panacée.
Les attentes des consommateurs sont nombreuses nous a prévenu Régine Vanheems, il faudra y répondre :
- La proximité et la facilité d’achat tout d’abord. Si un leader de la vente en ligne comme Amazon ouvre tant de boutiques physiques, c’est bien la preuve qu’il ne faut pas opposer digital et commerce physique.
- Ensuite, la personnalisation et la contextualisation. Comme dans cet exemple cité par Régine où un commerçant va me faire parvenir des offres contextualisées comme « une promotion sur la viande à griller car il sait que je possède un jardin et un barbecue et qu’en outre, il est capable de contextualiser sa promotion en fonction du temps qu’il fait ».
- Troisièmement, il faut passer d’une logique de transaction à une logique de service. C’est ce qu’a démontré le groupe ACCOR avec sa nouvelle application qui propose la lecture gratuite de journaux électroniques, « aller au-delà de la location de chambres » a expliqué Régine Vanheems.
- Enfin, retrouver l’humain et l’accueil : « les écrans sont froids et les clients veulent une véritable expérience » a conclu Régine. « Si on veut du standard on va sur le web. Si on va sur un autre point de contact, je veux une approche personnalisée »
Pour conclure, la bonne nouvelle est que 25 ans après l’arrivée d’Internet, le marché commence à percevoir la place du digital de manière différente : non plus comme un canal en plus mais comme un outil transverse qui vient s’insérer dans le processus de vente. Le digital, comme les vendeurs de Monsieur Boucicaut, est plus que jamais au service du client.
A noter que le sujet de la DMP fera l’objet d’un article prochain sur le blog de Visionary Marketing, où nous décrirons la best practice Nissan, présentée au forum cross canal le même jour. Celle-ci permettra d’illustrer et de chiffrer l’impact cross canal du digital.
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Yann Gourvennec
Yann Gourvennec a créé le site visionarymarketing.com en 1996. Il pratique depuis lors la stratégie Web, le e‑business et le Web marketing en France et à l’international et a 10 ans d’expérience en direction digitale. Il a été membre de socialmedia.org de 2008 à 2014 et Président de Media Aces de 2009 à 2013, l’association française pour le développement des médias sociaux en entreprise. Il est intervenant et auteur de 2 ouvrages : « les médias sociaux expliqués mon boss », élu livre digital influent de l’année 2012 par le Hub Forum, et fin 2013, de « la communication digitale expliquée à mon boss », tous deux écrits avec Hervé Kabla (http://amonboss.com). Il contribue également à de nombreux ouvrages et livres blancs collectifs. En 2014, d’intrapreneur, il est devenu entrepreneur, en créant son agence de marketing digital Visionary Marketing, en association avec Effiliation. Parmi ses clients, on compte Business & Decision, EZ Systems, Mobistar, Orange, Schelcher Prince (groupe Crédit Mutuel), Solocal group, SFR Business et Veolia.