La sérénité du Taj Mahal immortalisée par Gary Arndt
Dès l’ouverture du portail, j’ai couru avec mon appareil pour prendre une photo avant que la foule ne se presse autour du monument.
Gary Arndt a été élu « photographe de voyage de l’année » à trois reprises : deux fois par la NATJA (North American Travel Journalist Association) et une fois par la SATW (Society of American Travel Writers). Il est également triple lauréat du Lowell Thomas Award, sorte de Prix Pulitzer du reportage de voyage. Dernièrement, ce photographe globe-trotter maintes fois primé a contribué à la collection Adobe Stock Premium. Entre deux avions, Gary nous a accordé un entretien : il nous révèle quelques techniques pour prendre d’extraordinaires photographies de voyage, des stratégies pour composer avec la foule sur des sites touristiques emblématiques, et tout l’intérêt de nouer des relations privilégiées avec des guides susceptibles de présenter sous un jour exceptionnel les lieux qui vous sont inconnus.
Adobe : Vos photographies de voyage sont uniques en leur genre. Comment faites-vous pour prendre des clichés aussi exceptionnels, en particulier sur des destinations touristiques aussi connues ?
Gary Arndt : Il s’agit là d’une mission quasi-impossible. Des monuments comme la Tour Eiffel ou le Taj Mahal ont été photographiés des centaines de millions de fois, sous tous les angles imaginables, à chaque moment de la journée et en toutes saisons. Autant dire que, face à un site emblématique, vous avez toutes les chances de prendre une photo qui ressemblera à toutes celles qui l’ont précédée. Vous pouvez, en revanche, réaliser un cliché remarquable dès lors que vous vous trouvez au bon endroit, au bon moment. Lorsque j’ai photographié la Tour Eiffel, par exemple, j’y suis allé de nuit et ai pris mes photos depuis la base. Beaucoup de gens m’ont dit qu’ils n’avaient jamais vu jusque là ce monument sous cet angle, à ce moment de la journée. Ce qui différencie véritablement ma photo du Taj Mahal, c’est le fait que je sois arrivé le premier sur les lieux ce matin-là et qu’il n’y ait donc personne sur l’image. Dès l’ouverture du portail, j’ai couru avec mon appareil pour prendre une photo avant que la foule ne se presse autour du monument.
Adobe : Prévoyez-vous les photos que vous allez prendre avant votre voyage, ou êtes-vous à l’affût des opportunités qui s’offrent à vous ?
Gary Arndt : Si vous ne vous êtes encore jamais rendu dans un endroit, il est très difficile de savoir ce que vous allez y trouver. Il vous faut donc, d’une certaine manière, saisir les opportunités, et guetter les occasions. À certains moments, vous aurez certainement besoin d’établir un programme, ou d’avoir au moins une idée de ce que vous voulez obtenir. Lorsque je me suis rendu en Antarctique, j’avais en tête une liste de photos que je souhaitais réaliser : un plongeon de pingouin, une baleine en immersion, la queue à la surface de l’eau…. Ce genre de choses. Il faut être à l’affût pour pouvoir immortaliser ces instants que l’on ne peut planifier. Mais si vous l’êtes, vous multipliez vos chances de réaliser la photo souhaitée.
Adobe : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre photographie du Taj Mahal ?
Gary Arndt : Je voulais immortaliser le monument en lui-même, en faisant abstraction de l’aspect attraction touristique. Souvent, les gens aimeraient photographier des sites vides de toute présence humaine, mais c’est quasiment mission impossible. Il vous faut toujours faire un choix : soit vous arranger pour être là à un moment, un endroit où personne n’apparaîtra sur la photo, soit trouver un moyen d’intégrer la foule à votre photo.
Adobe : Comment vous y prenez-vous pour intégrer la foule à votre photo ?
Gary Arndt : Je peux vous donner un excellent exemple, celui du Louvre à Paris. 25 % des visiteurs du Louvre se rendent dans ce musée uniquement pour admirer la Joconde. La salle où est exposée le Portrait de Mona Lisa est la seule qu’il visitent ; elle est donc toujours pleine à craquer. Et, franchement, le tableau de Léonard de Vinci est relativement petit, encastré dans une vitrine mal éclairée, et plutôt éloigné. Photographier le Portrait de Mona Lisa ne présente aucun intérêt ; autant acheter une reproduction. En revanche, les visiteurs qui s’entassent devant cette peinture me fascinent car, à l’heure actuelle, 90 % d’entre eux possèdent un smartphone ou une tablette. Ce que j’ai tenté d’immortaliser, ce sont ces visiteurs tenant leur appareil devant eux. J’étais derrière eux, alors je suis parvenu à les photographier face au Portrait de Mona Lisa, lui-même affiché sur l’écran de leur téléphone : l’image obtenue était assez poignante. Elle a permis de véhiculer le ressenti dans cette salle , et la foule m’a permis de réaliser une photo bien plus intéressante que la peinture elle-même.
Adobe : Avez-vous des astuces ou des stratégies pour contourner la foule ou, au contraire, en tirer parti ?
Gary Arndt : Il faut savoir se montrer patient. En règle générale, il y aura toujours une accalmie, à un moment donné, dans le flux de personnes s’amassant devant votre sujet. Tout dépend, bien évidemment, de la nature de celui-ci et des circonstances. Mais souvent, si vous êtes disposé à patienter cinq ou dix minutes, vous pourrez profiter de quelques secondes de « creux », sans personne devant votre sujet. Les déambulations du public étant aléatoires, il faudra profiter de ce très court créneau.
Adobe : Vous avez mentionné que la collaboration avec des guides était précieuse. Pouvez-vous préciser comment elle vous a été utile pour prendre la photographie du Taj Mahal ?
Gary Arndt : Le guide qui m’accompagnait était allé une centaine de fois au Taj Mahal. Il connaissait tous ceux qui y travaillaient. Il a réussi à m’obtenir un billet, m’a gardé ma place dans la file d’attente et m’a emmené très vite sur le site. Voilà pourquoi il est précieux, sur nombre de ces sites, de se faire accompagner par un guide. Il savait que les portes ouvraient à 7 heures. Nous étions sur place dès 5 heures 45, et j’étais là sans doute quinze à vingt minutes avant la personne derrière moi. En arrivant aussi tôt , j’étais quasiment certain d’être le premier. Même s’il n’avait aucune compétence technique en photographie, mon guide savait où les photographes se plaçaient pour prendre les meilleurs clichés.
Adobe : Quels conseils donneriez-vous à tous ceux qui voudraient s’adonner à la photographie de voyage ?
Gary Arndt : En tant que photographe de voyage, vous devez maîtriser le fonctionnement de votre appareil photo et l’ensemble des réglages, et aussi posséder le meilleur équipement qui soit ; c’est important. Mais il faut surtout savoir choisir ce qui est beau. C’est ce qui fera l’intérêt de votre photographie. Impossible de photographier le Taj Mahal sans être en Inde, ou la Grande Muraille sans être en Chine. À supposer que vous disposiez d’un millier de dollars, l’investissement le plus judicieux consisterait à acheter un billet d’avion.
Pour découvrir plus en détail le travail de Gary, parcourez ses créations accessibles via son portfolio Adobe Stock , ou visitez son site web Everything Everywhere.