Regarder en arrière pour mieux percevoir l’avenir : les styles d’illustration des 30 dernières années

L’illustration est l’une des formes les plus importantes de la communication visuelle : elle informe et constate, enchante et décore, instruit et inspire. Depuis l’époque des premières peintures rupestres, l’illustration joue un rôle fondamental dans le récit et le partage d’informations et demeure plus pertinente que jamais pour nous aider à appréhender le monde moderne. Les artistes d’aujourd’hui créent des illustrations incroyablement variées, sur tout un spectre de styles et de genres, en tirant profit d’une histoire très riche et des innovations extraordinaires apparues ces dernières décennies. Dans cet article, nous aborderons quelques-uns des mouvements sociaux et artistiques qui ont influencé l’illustration au cours des 30 dernières années.

Il est impossible de parler de l’illustration contemporaine sans évoquer l’influence des Push Pin Studios, fondés en 1954 par des camarades d’études de Cooper Union : Seymour Chwast, Milton Glaser et Edward Sorel. Les artistes de Push Pin sont à l’origine d’une véritable révolution. « Push Pin a jeté par la fenêtre tout ce qui existait en matière de style de référence, » déclare Whitney Sherman, directrice du programme de maîtrise ès arts en pratique de l’illustration au MICA. Travaillant de manière conceptuelle, les artistes de Push Pin ont librement exploité l’histoire de l’art et du graphisme, des beaux-arts à la bande dessinée, et réimaginé et recombiné ces formes très diverses pour créer des œuvres innovantes, très esthétiques et inattendues.

À la fin des années 1980, les illustrateurs étaient libres d’associer, d’expérimenter et de célébrer différents styles et méthodes historiques. Ils se sont aussi bien inspirés de mouvements artistiques historiques que de la culture punk des années 1970 et de l’art de rue qu’abritait le New York de l’époque. La conception graphique a également contribué à définir le style de cette décennie, avec des publications telles que The Face, sous la direction artistique de Neville Brody, ouvrant la voie par son usage radical de la typographie et du dessin, inspirant de nombreux illustrateurs et concepteurs.

Push Pin Studios a mené une véritable révolution dans le domaine de l’illustration moderne en associant et repensant les styles et les genres.

Aujourd’hui, en 2017, l’idée de mouvement artistique fait sourire. Tout, des peintures paléolithiques aux dernières œuvres postmodernistes, est passé à la moulinette de la pop culture et du consumérisme. La mise en ligne de la première image sur Internet remonte à 1992. Aujourd’hui, plus de 80 millions d’images sont téléchargées chaque jour rien que sur Instagram. « Il n’y a plus de “saveur du mois”, » déclare le designer et illustrateur Von Glitschka, faisant référence à un terme qu’il a forgé, avec un autre illustrateur, pour désigner ce qui plaît un temps aux directeurs artistiques avant de disparaître. « Cette époque est révolue. Les réseaux sociaux y ont mis fin : la manière dont le public interagit avec un “style” évolue trop rapidement. »

Mais, pour paraphraser une réplique du film_ The Big Lebowski_, « l’illustrateur demeure ». Et c’est tant mieux. La plupart des mouvements artistiques influents que nous allons évoquer sont apparus en réaction au statu quo. Alors, découvrons ce que ces rebelles ont manigancé.

ART NOUVEAU

Mouvement de design international apparu en Angleterre dans les années 1890 et ayant prospéré au cours des deux décennies qui ont suivi, l’Art nouveau s’est révolté contre les styles historiques qui avaient dominé le design pendant la plus grande partie du 19e siècle. L’Art nouveau, comme son nom l’indique, était axé sur l’innovation et a lancé une révolution dans le domaine du design moderne.

A la fois influencé par le mouvement britannique Arts and Crafts (littéralement Arts et artisanats), le design et les estampes japonaises sur bois, les motifs et manuscrits enluminés celtiques, les tableaux de Van Gogh et Cézanne, et le style rococo, ce mouvement s’est rapidement propagé en Europe.

Des styles distincts ont éclos dans les différents pays, mais tous partageaient un langage graphique commun : des lignes et formes organiques et botaniquesfluides, une typographie d’affichage et un lettrage unique, ainsi qu’une attention portée à la qualité de fabrication.

L’Art nouveau a connu un regain de popularité important à la fin des années 1960, à l’occasion de sa réinterprétation sur de nombreuses affiches de concerts et pochettes d’albums de rock. Ce style psychédélique distinctif a, à son tour, influencé les générations ultérieures d’artistes.

Le style « psychédélique » classique associé aux pochettes d’albums et affiches de concert de la fin des années 1960 et du début des années 1970 peut être considéré comme un écho du style Art nouveau. Les artistes se réfèrent souvent à ce style « rétro ».

DAVID LANCE GOINES

David Lance Goines, un designer de beaux-arts et typographe de Berkeley, en Californie (États-Unis), crée de superbes œuvres inspirées par le style Art nouveau : lignes brutes, couleurs subtiles et lettrage à la main. (Chez Panisse, 2005, David Lance Goines)

SURRÉALISME

L’interprétation des rêves, ouvrage de Sigmund Freud publié en 1899, a exploré la relation entre les rêves et la réalité et établi les fondations du mouvement littéraire, intellectuel et artistique appelé surréalisme. L’écrivain et poète antifasciste français André Breton, généralement considéré comme le fondateur du surréalisme, a publié le _Manifeste du surréalisme _en 1924, dans lequel il décrit le surréalisme comme un « pur automatisme psychique ».

Si l’impact des poètes et écrivains surréalistes est demeuré minime, celui des artistes et peintres associés au surréalisme a été significatif sur les arts visuels et le cinéma. Dans leurs activités artistiques, les surréalistes aimaient associer des objets généralement sans relation, de manière amusante et perturbante. La flore, la faune et les humains pouvaient être présentés avec soin, dans un style naturel, mais dans un cadre onirique.

L’impact du surréalisme sur l’illustration, le design et la communication visuelle a été à la fois spécifique et très large. Ce mouvement, à l’origine de techniques d’illustration inédites, a montré comment le monde des rêves, les symboles et le fantastique pouvaient être explorés visuellement afin de provoquer une réaction universelle chez de nombreux spectateurs.

BRAD HOLLAND – PROPHET

Brad Holland est l’un des illustrateurs les plus influents du XXe siècle. Installé à New York, Brad a été l’un des pionniers du travail conceptuel, une méthode selon laquelle la solution à une mission réside dans une idée plutôt que dans les consignes données à un artiste. Son œuvre visuellement simple et souvent surréaliste est immédiatement reconnaissable. Elle a modifié l’évolution de l’illustration moderne et influencé des illustrateurs du monde entier._ (Prophet_, Brad Holland)

JOHN CRAIG – JOKER

L’illustrateur John Craig emploie le collage comme technique principale pour créer des œuvres au profit de nombreuses publications, dont Time, Newsweek et Esquire. Les images de Craig sont percutantes et mystérieuses ; elles créent des liens et racontent des histoires qui résonnent longtemps après les avoir vues. (Joker, 2007, John Craig)

MODERNISME

L’art moderniste et le mouvement du modernisme ont eu un impact significatif et étendu sur l’illustration et le design. Apparu en 1908 et ayant perduré jusque dans les années 1930, le modernisme comprenait une série de mouvements distincts, dont le constructivisme, le surréalisme et le Bauhaus. Ces mouvements avaient pour point commun le rejet des styles historiques, une approche minimaliste du design et une utilisation originale et expérimentale des formes, des couleurs, des lignes et de l’agencement.

« Le constructivisme, le Bauhaus, et d’autres approches formelles, rigides et minimalistes du design et de la création d’images ont perduré sous diverses formes et se retrouvent dans les illustrations actuelles » déclare Richard Lovell, directeur de l’illustration chez SCAD. « C’est un esthétisme guidé par la forme qui convient bien aux supports numériques, et même à la vidéo et à l’animation. »

CONSTRUCTIVISME

Trouvant son origine dans l’avant-garde russe, le mouvement constructiviste est apparu juste avant la révolution bolchévique de 1917. Influencés par le style abstrait, la forme pure et l’énergie du cubisme, du futurisme et du suprématisme, les artistes constructivistes cherchaient à créer un nouveau langage visuel afin de libérer l’art, le design et l’architecture des formes de représentation conventionnelles. Les artistes constructivistes ont créé des affiches politiques et publicitaires, associant à jamais le style à l’activisme politique.

Une géométrie forte, des couleurs unies, des formes simples, de vastes espaces blancs et une typographie grasse sans empattement sont les marques de fabrique du design constructiviste. Le photomontage a fourni une nouvelle technique d’illustration à cette nouvelle époque.

Le constructivisme continue d’influencer le design graphique et l’illustration modernes, les artistes associant le vocabulaire visuel du constructivisme à leur propre voix et à leurs idées.

BOB STAAKE – PIPKO

L’illustrateur, designer et auteur Bob Staake crée des œuvres dans une grande variété de styles, selon l’histoire qu’il a à raconter. Son affiche Pipko Tabac, qui recourt à des éléments géométriques simples et à des polices sans empattement, est un clin d’œil au constructivisme. Mais il les mélange à son approche distinctive et sophistiquée de la couleur et de la texture, qui constituent sa « patte ». (Pipko Tabac, 2010, Bob Staake [Instagram])

BAUHAUS

En 1919, l’architecte Walter Gropius a été nommé directeur du Staatliches Bauhaus de Weimar, en Allemagne, combinant deux écoles d’art en une seule institution, les beaux-arts et les arts appliqués en un seul cursus. On y a développé une approche moderniste de la formation au design, les étudiants étant encouragés à expérimenter et à trouver leur propre ton en matière de design.

Parmi le corps professoral moteur du Bauhaus, on peut citer les peintres Paul Klee et Vassily Kandinsky, le constructiviste László Moholy-Nagy, l’étudiant devenu professeur Herbert Bayer et l’architecte Ludwig Mies van der Rohe. L’école a exploré des idées de pointe dans les domaines de l’architecture, de la couleur et de la forme, et expérimenté en matière d’impression, de photographie et de typographie.

Sa contribution au design moderne dépasse de loin ses 14 années d’existence. L’approche du Bauhaus en matière de formation au design constitue le fondement des écoles de design actuelles ; son principe directeur du design de produit, « la nécessité, pas le luxe », c’est-à-dire la fabrication de produits de qualité à des prix abordables, se retrouve aujourd’hui chez des sociétés telles qu’Ikea et Muji.

HARRY CAMPBELL – VENDING MACHINE

Harry Campbell crée des illustrations épurées et modernes qui capturent les pensées complexes à l’aide de lignes et de couleurs simples. Son travail conceptuel et éditorial est présent dans de nombreux journaux et publications, du New York Times à Mother Jones. Ses illustrations numériques reflètent la géométrie isométrique du design industriel et de l’architecture du Bauhaus. (Vending Machine, 2017, Harry Campbell)

RÉALISME MAGIQUE

Le réalisme magique s’est développé aux côtés du surréalisme et de l’expressionnisme. Ainsi baptisé en 1924 par le critique d’art allemand Franz Roh, il décrit une nouvelle forme de peinture réaliste dépeignant la vie quotidienne comme une chose à la fois familière et étrange ou surnaturelle.

Le réalisme magique a trouvé des partisans en Amérique, dans les années 1940 et 1950. Peignant dans un style détaillé et réaliste, les artistes de ce mouvement ont imprégné leurs œuvres de symbolisme et d’une qualité mystérieuse, relevant du rêve.

Pour les artistes et illustrateurs actuels, le réalisme magique propose une approche unique du récit : s’il trouve ses racines dans le monde réel, dans le réalisme, les éléments « magiques » sont capables d’intensifier de manière inattendue la perception qu’a le spectateur de l’image.

CHRIS BUZELLI – AMAZON

Chris Buzelli crée des peintures à l’huile riches en détails pour une vaste clientèle, dépassant les frontières des beaux-arts et de l’art commercial. Si son travail penche souvent vers le surréalisme, avec des animaux et des personnages enchanteurs (et parfois effrayants), cette œuvre, Amazon, a été créée pour l’édition Voyage du New York Times. (Amazon, 2013, Chris Buzelli [Instagram])

ART DÉCO

L’expression Art déco fait référence à la célèbre Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, qui s’est tenue à Paris durant l’été 1925. Également appelé Style moderne, ce mouvement englobait l’art, l’architecture et les arts visuels et décoratifs : en fait, à peu près tout ce que l’on retrouve dans l’enveloppe du design tel qu’on l’entend aujourd’hui.

Dans le domaine des arts visuels, le style graphique distinctif de l’Art déco était marqué par des formes simples et épurées, mais aussi souvent, dans sa période finale, par des courbes aérodynamiques. Les illustrateurs et designers actuels ont exploré et revisité les formes et la typographie de l’époque pour créer des conceptions visuelles époustouflantes et très vivantes.

MADS BERG – BORNHOLM

Mads Berg, un illustrateur travaillant à Copenhague, interprète le style de l’art classique de l’affiche à travers une sensibilité minimaliste danoise, pour un large éventail de clients et d’applications. Faisant subtilement référence à la géométrie de l’Art déco, Berg transforme ces formes en abstractions fluides et superposées, aux couleurs et textures lumineuses. (Bornholm Poster 2015, 2015 Mads Berg)

DANIEL PELAVIN – 1952 VINCENT BLACK LIGHTINING

Daniel Pelavin est un illustrateur, lettreur et typographe accompli qui travaille à New York. Dans son œuvre 1952 Vincent Black Lightning, Pelavin interprète le langage rationalisé de l’Art déco pour évoquer la vitesse et la précision, ce qui convient à la perfection à la moto la plus rapide de son époque. (1952 Vincent Black Lightning, 2017, Daniel Pelavin [Instagram])

MICHAEL MABRY – IL FORNAIO CORPORATE IDENTITY

Michael Mabry est un concepteur graphique, un illustrateur et un enseignant qui vit et travaille dans la région de la baie de San Francisco. Il est l’auteur de design primés pour des identités d’entreprise, des conditionnements et des logos réalisés pour de nombreuses sociétés et organisations internationales très variées. Dans l’identité qu’il a créée pour le groupe de restaurants italiens Il Fornaio, il reprend les formes géométriques de l’Art déco et des affiches publicitaires de l’époque, mais combine ces éléments à des couleurs et textures uniques et à une typographie de script délicate pour créer un design original. (Identité de l’entreprise Il Fornaio, 1988, Michael Mabry)

GROUPE MEMPHIS

Le Groupe Memphis était un collectif de jeunes concepteurs de mobilier et de produits dirigé par le designer industriel italien de renom Ettore Sottsass. Créé en 1981, ce groupe a régné sur le design du début des années 1980 avec ses meubles et textiles postmodernistes. Vibrant et tourné vers l’expérimentation, le Groupe Memphis ravissait par ses motifs, ses couleurs et sa géométrie audacieuse. Sottsass a dissous Memphis en 1988, mais s’il n’existe plus en tant que groupe, son énergie et son irrévérence ont eu un impact durable sur l’illustration et le design, démontrant qu’il est possible d’ignorer les contraintes et les règles établies du design et d’explorer le carrefour entre fun et fonctionnel.

LAUREN ROLWING – SHOP MUNICH

Lauren Rolwing est une illustratrice installée à Nashville qui crée des designs délicats et axés sur la forme, utilisant des motifs et couleurs vives. « Je m’inspire largement du Groupe Memphis, » déclare Rolwing. « L’idée sous-tendant mon projet If I Lived in Ettore Sottsass’ Neighborhood m’est venue à l’occasion d’un rêve que j’ai fait après une journée passée à étudier le mouvement Memphis. » _(_Couverture du magazine Shop, 2016, Lauren Rolwing [Instagram])

LOWBROW ET POP SURRÉALISME

Apparus à Los Angeles sur la scène underground, les mouvements Lowbrow et pop surréalisme se sont développés à la fin des années 1970 en dehors du cadre traditionnel des galeries et des musées.

Le Lowbrow puise son inspiration dans des sources très variées, pour ne pas dire disparates : tatouage, comics underground, musique rock et punk, skateboard, art figuratif, surréalisme et pop culture. Les artistes Lowbrow créent des peintures, des dessins, des objets et des œuvres d’art médiatique pleins de détails vigoureux, associant styles, personnages et récits pour former un art vibrant et dynamique. Le style Lowbrow, initialement très « brut de décoffrage », a évolué pour devenir plus raffiné et pictural, mais ses réalisations conservent une approche unique, souvent subversive.

La galerie avant-gardiste La Luz de Jesus, qui a ouvert ses portes en 1986 sur Melrose Avenue, à Los Angeles, est considérée comme l’une des premières à avoir exposé des artistes Lowbrow et pop surréalistes. « Ça a vraiment changé les choses, » déclare Mark Heflin, rédacteur et directeur d’American Illustration. « Cela a estompé la distinction entre illustration et beaux-arts. »

L’effacement de la frontière entre art commercial et beaux-arts est en effet l’une des plus importantes contributions de ce mouvement.

THE CLAYTON BROTHERS – SENSING NEEDS

Les frères Rob et Christian Clayton travaillent ensemble dans les domaines de la peinture, de la sculpture et des installations depuis 1996. Rob et Christian font appel à un processus créatif unique : ils ne travaillent pas simultanément sur la même pièce et ne parlent pas de leurs projets pendant qu’ils créent. Ils se passent le témoin, complétant, modifiant et retravaillant l’œuvre jusqu’à ce que tous deux la considèrent comme terminée. Il en résulte des conversations vivantes et visuelles qui invitent le spectateur à se forger son propre récit. Les deux frères partagent un studio à La Crescenta, en Californie, et sont membres du corps professoral de l’ArtCenter College of Design. (Sensing Needs, 2007, The Clayton Brothers [Instagram])

GARY BASEMAN – NEW YORKER COVER

Gary Baseman, artiste installé à Los Angeles, travaille dans les domaines des beaux-arts, de l’illustration, du design de jouets, de l’animation pour la télévision et du cinéma. Son œuvre mêle images iconiques de pop art, motifs vintage et archétypes littéraires et psychologiques. Il est renommé pour les créatures espiègles, intelligentes et souvent perfides qui peuplent son travail. (Couverture du _New Yorker _pour la fête des mères, 2002, Gary Baseman [Instagram])

STEVE BRODNER – THE COURT OF DONALD I

Steve Brodner est un illustrateur, un graphiste et un commentateur politique new-yorkais. Il est l’un des illustrateurs politiques contemporains les plus influents et les plus suivis. Son travail est visible dans des magazines, livres et journaux, ainsi qu’à la télévision et sur des sites Web, et illustre des articles rédigés par lui-même comme par d’autres. Il a remporté de nombreux prix et continue de repousser les limites politiques, artistiques et techniques de son œuvre. Steve enseigne également l’illustration à la School of Visual Arts de New York. (The Court of Donald I, 2017, Steve Brodner)

NUMÉRIQUE

Au début des années 1990, la révolution numérique a commencé à prendre forme au sein des secteurs créatifs. Auparavant, « le débat sur la conception numérique se bornait à savoir si les ordinateurs allaient envahir les studios, à la manière d’extraterrestres, pour y prendre le pouvoir » déclare Whitney Sherman. Malgré la diminution du coût du matériel, le ticket d’entrée demeurait élevé et la courbe d’apprentissage des logiciels restait très abrupte. Les concepteurs graphiques ont accueilli cette technologie avec plus de ferveur que les illustrateurs, mais pour tous, le pas à franchir ressemblait à un saut dans le vide.

Un genre nouveau d’illustrateurs a commencé à émerger au milieu des années 1990. Certains sortaient des écoles d’art et de design, et voyaient d’un nouvel œil les rôles traditionnels de concepteur et d’illustrateur. Ils se sont réinventés comme des artistes graphiques touchant à la fois au design et à l’illustration. D’autres étaient des artistes établis, avides de tester les nouveaux outils et de tirer profit des nouvelles technologies. Ces artistes ont créé avec fierté des œuvres sur ordinateur, et une nouvelle esthétique numérique a émergé.

À la fin des années 1990, le monde s’était transformé d’une manière inimaginable. Les ordinateurs et les logiciels étaient devenus rapides et sophistiqués, et proposaient de nouveaux outils offrant l’apparence des « instruments naturels » : la plume, le crayon et le pinceau de l’illustration traditionnelle. De nouveaux filtres et techniques offraient de formidables nouvelles possibilités de manipulation des images. Selon les besoins, les illustrateurs pouvaient choisir de recourir aux méthodes classiques, au numérique ou de mêler les deux. Whitney Sherman qualifie ceci d’approche « transmédias/hybride combinant l’esthétique et les méthodes de travail traditionnelles et numériques ».

Aujourd’hui, avec la puissance des smartphones, les tablettes à affichage haute résolution et l’omniprésence de l’Internet rapide, les illustrateurs peuvent tirer profit de l’animation et de la réalité virtuelle pour élargir le narratif et offrir des récits séquentiels et interactifs.

En associant techniques classiques et technologies modernes, les illustrateurs créent de nouveaux styles et formes de communication visuelle, le tout reposant sur des fondations remontant à plusieurs millénaires.

CRAIG FRAZIER – BOOKFLOAT

Craig Frazier est un « designer illustrateur » installé à Mill Valley, en Californie, qui lève les frontières entre design graphique et illustration. Son travail a été couronné de nombreux prix et il est internationalement reconnu pour son style conceptuel unique. Après avoir créé de petits croquis, Craig découpe des formes dans de l’Amberlith et les transfère sur ordinateur pour leur apporter de la couleur. Dans ces exemples, il ajoute des animations pour élargir le récit de ses œuvres. _(Bookfloat, _Craig Frazier [Instagram])

CHRISTOPH NIEMANN – MY TRIP TO THE DMZ

Christoph Niemann est un illustrateur, designer, artiste et auteur travaillant à Berlin. Son travail a fait la couverture du _New Yorker, _de _Wired _et du New York Times Magazine (entre autres) et a reçu des prix de l’AIGA, de l’Art Directors Club, ainsi que le Lead Awards. Niemann est essentiellement un grand conteur visuel qui tente en permanence de nouvelles expériences et repousse ses limites. My Trip to the DMZ est un carnet de croquis expérimental à 360 ° (cliquez sur l’image pour le découvrir). _(My Trip to the DMZ, _Christoph Niemann [Instagram])

LOUIS FISHAUF – STRIPES

Louis Fishauf est un designer graphique, directeur artistique et illustrateur canadien qui a créé des œuvres primées au profit d’un large panel de sociétés internationales. Fishauf a été l’un des premiers à utiliser l’ordinateur et les logiciels comme outils de conception et de mise en page. Son travail actuel est principalement axé sur la création de collages numériques. (Stripes, Louis Fishauf)

Auteur : Terry Hemphill