L’entreprise digitale doit ériger la créativité en culture
La dernière étape de la transformation digitale consiste à faire de la créativité une culture d’entreprise qui va rendre possible l’innovation de rupture.
Pour réussir leur transformation digitale, les entreprises doivent :
- Repenser leur organisation,
- Se structurer et se doter d’outils et de méthodologie autorisant l’innovation,
- Faire du marketing digital un vivier d’expériences fondées sur la data et l’analyse,
- Remettre l’humain au centre.
On parle beaucoup du rôle central de l’humain dans la transformation digitale, faisant souvent référence au client. Or l’entreprise réussit sa digitalisation si elle remet l’humain au centre de ses processus également.
Au stade 6 de sa transformation, l’entreprise est en mesure de répondre aux attentes de nombre de ses clients. Le digital est compris, les usages clients sont analysés, la collaboration métier est transversale et contribue à transformer le business model de l’entreprise. Mais vue ainsi, l’entreprise digitalisée fait bien peu de cas de la créativité. Or l’entreprise ne deviendra vraiment digitale que lorsqu’elle aura fait de la créativité la culture de toute interaction et le préalable à toute innovation. C’est bien la dernière étape de sa transformation : libérer la créativité et l’ériger en culture d’entreprise.
Innover n’est pas créer
L’innovation met un produit/service en œuvre, qu’il soit nouveau ou fasse l’objet d’une amélioration. C’est un processus collectif, qui permet de matérialiser et d’appliquer une idée. Pour une entreprise, il est sans doute plus intéressant d’être innovant que créatif si on considère que l’innovation a vocation à générer des gains et un business.
Quand Steve Jobs lançait l’iPhone en 2007, il regroupait au sein d’un unique appareil : un lecteur audio, un téléphone mobile, un outil pour se connecter à Internet. Innovation ou création ? Je vous laisse en juger. Il a néanmoins vu ce que personne n’avait encore vu auparavant, en a exprimé l’idée et matérialisé l’objet. Sa créativité a permis une innovation de rupture.
L’histoire regorge d’entreprises qui ont eu dans leurs équipes des gens créatifs qu’elles n’ont pas su écouter, ni transformer leur créativité en innovation. Je voudrais compléter les 6 étapes de la transformation digitale par celle-ci : libérer la créativité, à tous les étages de l’entreprise, du design au marketing en passant par les forces de vente.
La data est-elle la nouvelle créativité ?
On est créatif quand on voit ce que les autres n’ont pas encore vu et qu’on en retire une idée. On est novateur quand on matérialise cette idée. Steve Jobs, pour revenir à son exemple, disait que la créativité consistait à connecter les choses. A combiner et rassembler des éléments éloignés. Mais n’est-ce pas aussi le rôle dévolu aujourd’hui à la data ?
On parle d’intelligence artificielle, de robotisation, de réalité virtuelle… alors que la donnée n’a pas encore livré tous ses secrets. Ainsi, l’entreprise digitale peut dès aujourd’hui mettre en place un “marketing prédictif”, fondé sur la modélisation comportementale de ses clients. Ce marketing prédictif, basé sur la data, va l’aider à améliorer sa performance financière, à mieux gérer sa relation client, à optimiser les expériences et la satisfaction client.
Une campagne publicitaire est désormais pilotée par les insights, utilisant la data pour définir les segments d’audience et les attentes de la cible en termes de contenus. La créativité agit “sous l’inspiration” de la data, fait le lien entre audience et donnée. Elle transforme la donnée en quelque chose de “sensible” pour la cible.
Sans la data, difficile aujourd’hui d’imaginer concevoir une campagne de communication cross canal efficace : la création travaille désormais dans les contraintes de ce que la data lui livre comme information sur la cible, son comportement, ses usages, ses attentes. La réussite d’une campagne n’est bien entendu pas uniquement fonction de ces données : c’est bien là que l’esprit créatif du designer doit donner corps à la représentation du produit pour séduire le consommateur.
La créativité sous contrôle de la data
Le tentation est là d’enfermer l’entreprise digitale dans un cadre algorithmique dirigiste qui ôte toute liberté créatrice. De la même façon que la création consiste à connecter entre eux des éléments éloignés, la donnée confie à l’entreprise digitale un super pouvoir : celui de prendre la relève de la création pour générer des interactions entre la marque et son client riche de millions de scénarios possibles tout en améliorant la pertinence de ces interactions.
Serait-ce à dire que la différence entre deux entreprises qui ont su se transformer est leur capacité à intégrer la data dans leur processus business ? Une “simple” question de puissance algorithmique. Le “sensible” qui définit la création peut-il ne devenir qu’affaire de data marketing ?
Je n’ai pas la réponse, mais se fier à ce pouvoir de la data pourrait être trompeur.
Accepter la perte momentanée de contrôle
La transformation digitale de l’entreprise renforce ses méthodologies de travail. Elle lui fournit un cadre très fort, des données sur ses clients, des analyses comportementales, la capacité d’expérimenter. L’entreprise doit profiter de ces garde-fous pour accepter de perdre le contrôle.
Pourquoi faut-il faire de la créativité une culture d’entreprise. Car supprimer les silos ne suffit pas. Innover ne suffit pas à faire d’une entreprise une entreprise digitale. Celles qui réussiront seront celles qui auront su insuffler un vent de créativité à tous les échelons de l’entreprise en acceptant de confier à leurs collaborateurs — un peu de — leur contrôle.
Celles qui, grâce à la collaboration des équipes, à la transversalité des compétences et des savoirs, à l’expression et la coopération des différentes sensibilités, seront réellement en mesure de redonner du sens à leur business.
Celles qui comprendront que le digital est une opportunité pour libérer le potentiel créatif de l’individu dans un esprit de jeu collectif : l’entreprise a tellement cadré ses processus avec le digital et la data qu’elle ne prend aucun risque à laisser la créativité s’exprimer. L’idée fera rapidement le champ d’une expérimentation tangible, qui se confronte au réel.
C’est l’intelligence créative, ou la confiance créative du processus de design thinking, ou les intelligences multiples : la capacité de l’entreprise à laisser chaque profil qui la compose s’exprimer non pas uniquement par sa fonction dans l’organisation mais aussi par sa nature en tant qu’être humain doté d’émotions.