[Type@Paris] Entretien avec François Morel

Type@Paris c’est la rencontre de formidables orateurs et d’invités venus de tous horizons qui dévoilent les coulisses de la typographie et leur parcours tous les mardis du 20 juin au 18 juillet.

Aujourd’hui, nous vous présentons François Morel, un graphiste et peintre d’enseignes talentueux qui s’est fait la main avec les tags dans les années 1990. Découvrez un parcours intéressant et l’impressionnant nombre de réalisations qu’il a à son actif.

Nous avons eu la chance d’assister à son allocution aux TypeTalks cette semaine et ce fut un véritable plaisir de l’écouter parler de sa vie et de son œuvre. Une occasion d’en apprendre un peu plus sur lui…

Expliquez-nous comment est né votre intérêt pour le graphisme et la peinture d’enseignes. Sur quelle discipline vous concentrez-vous le plus en ce moment ?

François Morel : J’ai aimé déchiffrer les panneaux et enseignes dans les rues dès que j’ai su lire — j’étais fasciné par les fresques. D’ailleurs, mon premier « vrai » livre portait sur les murs réclames.

Je me suis ensuite pris de passion pour les vieux emballages. Je crois qu’en fait, je suis quelqu’un de nostalgique.https://blog.adobe.com/media_3009d54a6c3a8ac0f40e168de48254ed42379c3f.gif

Vers l’âge de 12 ans, j’ai découvert un livre intitulé Subway Art qu’un ami avait rapporté de New-York. C’était en 1986. Je me souviens avoir été totalement émerveillé par l’idée de prendre un surnom et de le peindre sur les métros pour faire son autopromotion gratuite dans toute la ville.

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à faire des tags et à me passionner pour la création de logos, etc.

Une fois, je devais avoir 16 ans, je peignais les volets roulants d’une boutique un week-end lorsqu’un homme s’est arrêté. Je peignais des lettres sur des petits carrés blancs pour une boulangerie. Il m’a dit que, pour lui, peindre de petites lettres à la bombe était une véritable aberration et qu’il faisait cela au pinceau pour gagner sa vie. Il m’a dit qu’il était peintre d’enseignes et m’a demandé si je connaissais ce métier… Bien sûr que oui, c’était ce que je rêvais de faire. J’ai été si surpris que j’en suis resté bouche bée. J’aurais dû oser lui demander de me prendre comme apprenti… Je m’en suis mordu les doigts pendant 24 ans.

Je me souviens avoir été totalement émerveillé par l’idée de prendre un surnom et de le peindre sur les métros pour faire son autopromotion gratuite dans toute la ville.

Ma carrière de graphiste a démarré à la fin des années 90. J’étais étudiant en art à l’université et je taguais avec un ami étudiant. Un rappeur français qui vivait dans son immeuble lui a demandé de travailler sur la pochette de son nouvel album. Comme nous n’étions pas (encore) graphistes, j’ai proposé à un autre ami tagueur, qui travaillait déjà en freelance, de collaborer avec nous sur ce projet. C’est comme cela que je me suis formé au design graphique, avec l’aide précieuse de cet ami nommé Dimitri Simon. Ensemble, nous avons réalisé plusieurs illustrations pour l’industrie musicale au cours des 3 années qui ont suivi, puis chacun de nous trois s’est lancé dans une carrière en solo.

J’ai travaillé pendant près de 15 ans dans la création d’illustrations, de logos, etc. pour de grandes entreprises.

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Je me suis lassé de l’industrie, de l’informatique, etc. J’étais complètement obnubilé par la peinture d’enseignes et je ne voulais pas mourir avec des regrets. J’ai donc décidé de mettre mon métier de graphiste entre parenthèses et de trouver un apprentissage chez un peintre d’enseignes. Il n’y en avait plus beaucoup en activité à Paris et aucun de ceux que j’ai contactés ne pouvait m’aider.

J’ai commencé à me former seul à la peinture d’enseignes en lisant les vieux livres et documents que j’avais amassés pendant toutes ces années. J’ai ensuite rencontré plusieurs peintres d’enseignes internationaux, participé à des ateliers, etc. et je me suis lancé à plein temps dans la peinture d’enseignes. Aujourd’hui, bien que mon expérience de graphiste m’aide beaucoup, ma principale activité est la peinture d’enseignes.

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Les œuvres que vous réalisez aujourd’hui sont-elles très différentes de ce que vous faisiez en tant que jeune tagueur ? Ou bien existe-t-il un lien tangible entre ces disciplines que l’on retrouve dans vos créations actuelles ?

Tout à fait. Je pense que cela n’a absolument rien à voir. Il serait faux de croire qu’il est facile pour un tagueur de peindre des enseignes. Ce ne sont pas les mêmes techniques, les mêmes outils, le même type de lettrage. Toutefois, les tagueurs sont naturellement attirés par la peinture d’enseignes.
D’une certaine façon, ils aiment tracer des lettres, non ? Certaines de mes illustrations personnelles sont un clin d’œil à l’univers des tagueurs.

Je peins toujours dans les rues, mais au grand jour, et les policiers ne me pourchassent plus. Et en plus, je suis payé pour ça ! Mais ce n’est pas le même plaisir… Rien ne remplace les tags et leur côté illégal.

Qu’est-ce qui a été déterminant dans votre éducation et votre parcours en tant que designer ? Une personne, une école, d’autres ressources ?

Sûrement pas l’école ni un professeur. Personne dans ma famille ne travaille dans l’art ou le design. En fait, c’est grâce à ma mère. Mon parcours scolaire a été chaotique et aucun établissement public ne voulait de moi pour suivre des études d’art. Ma mère m’a toujours fait confiance, m’a laissé m’exprimer et m’a trouvé une école.

Qu’est-ce qui vous plaît dans la communauté des peintres d’enseignes ? Y a-t-il des caractéristiques ou attitudes négatives dans ce secteur que vous aimeriez voir changer ?

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C’est une communauté très sympathique, d’autant plus qu’aujourd’hui, grâce aux médias sociaux, nous pouvons partager des astuces et rencontrer des peintres d’enseignes du monde entier. Il y a par exemple les réunions Letterheads, où vous pouvez rencontrer de nombreux membres de la communauté, participer à des ateliers, etc. On s’amuse beaucoup !

Pratiquement tout le monde s’entraide. La peinture d’enseignes est ludique, c’est une passion… pourquoi se montrer négatif ? Si vous n’avez pas cet état d’esprit, il vaut mieux choisir un autre métier.

Qu’est-ce qui, en dehors de votre secteur d’activité, vous inspire ?

Beaucoup de choses m’inspirent… la liste serait longue. Je suis passionné par les travaux manuels, les artisans, les ateliers. Je me souviens avoir visité un atelier de souffleur de verre dans le sud de la France. Je devais avoir environ 7 ans… cela a été une révélation. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai su que je devais faire quelque chose de créatif et exercer un métier manuel.

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Entretien réalisé par Dave Coleman et publié dans sa version originale (anglais) sur https://www.typeparis.com/news/qa-sessions-francois-morel/