[Tendance de juillet] Enfreindre les règles de composition pour créer des images surprenantes
Ce mois-ci, nous nous intéressons à la manière dont les artistes jouent avec les angles, l’équilibre et la perspective, en nous gardant bien de prodiguer des consignes sur les méthodes « appropriées ». Au contraire : nous analysons la façon dont ces artistes _enfreignent _délibérément les règles de composition pour nous choquer ou nous décontenancer. Qu’ils aient le changement social, les bouleversements politiques ou les menaces environnementales en ligne de mire, leur rébellion artistique nous désarçonne et nous confronte à la dure réalité. Pour commencer, nous avons recueilli des conseils de spécialistes passés maîtres dans l’art de se moquer des conventions.
Si vous voulez enfreindre les règles, ne faites pas dans la demi-mesure.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, pour enfreindre véritablement les règles, il convient d’en suivre certaines, selon Morgan David de Lossy, photographe, réalisateur et chef de produit sen
ior chez Adobe. Impossible de rompre d’emblée avec des principes qui font référence. Pour bousculer les règles, encore faut-il commencer par les comprendre :
« Il en est ainsi de la plupart des choses dans la vie », précise Morgan. « Il faut d’abord parvenir à l’équilibre.Tirer les enseignements des techniques classiques et les maîtriser.Ensuite seulement le photographe peut s’amuser avec une composition déséquilibrée et décalée à dessein. »
BLEND IMAGES / ADOBE STOCK
Par la suite, si vous maîtrisez des concepts clés tels que la règle des tiers et que vous avez à cœur de renverser les règles, ne faites pas dans la demi-mesure. Allez-y à fond. « Osez », conseille Morgan.
« Faire preuve de réserve sera perçu comme une erreur. Mais enfreindre une règle avec panache génère des images auxquelles le mental n’est pas habitué, qui font que vos travaux sortiront du lot. »
Pour autant, poursuit Morgan, un équilibre se doit d’être rompu. Il emploie une métaphore pour préciser sa pensée :
« Dans un film, jamais un acteur ne décrit son interprétation. Il ne dit pas qu’il est en colère lorsqu’il joue un homme en colère — ce serait là une bien piètre mise en récit. En revanche, si votre personnage affirme que tout va bien, mais que tout, dans son comportement, dénote la colère, son jeu est alors bien plus intéressant à observer. Parce que vous êtes intrigué et que votre mental se demande ce qui va se passer. Cela vaut également pour la photographie et les arts graphiques. L’œil peut être attiré de multiples façons, mais chaque élément — modèle, composition, éclairage, vêtements — doit participer à une mise en récit impressionnante. »
BORIS JANOVIC / STOCKSY
Si l’équilibre naturel est rompu, étudiez tous les angles possibles.
Shannon Benson, spécialisée dans la photographie de la faune et contributrice Adobe Stock très attachée à la protection de la nature, est experte en images à visée écologique qui subliment l’environnement, mais ont le don de déconcerter. En associant des éléments de composition traditionnels et des angles surprenants, elle oblige le spectateur à y regarder à deux fois.
« Il faut présenter la scène sous son meilleur jour en explorant diverses compositions possibles », précise Shannon. « Pensez à vous déplacer, à prendre le sujet en plongée ou en contre-plongée, à vous rapprocher de lui ou à vous en éloigner pour offrir une perspective originale et faire en sorte que les gens manifestent de l’intérêt. Surtout, réfléchissez au message que vous voulez faire passer et demandez-vous si vos images sont en phase avec cet objectif. »
SHANNON / ADOBE STOCK
Imprégnez-vous d’images déroutantes.
Si vous voulez donner dans la composition décalée, plongez-vous dans cet univers — sans doute existe-t-il, non loin de chez vous, une galerie qui vous aidera à trouver l’inspiration. Actuellement, une exposition des œuvres du peintre Otto Dix à Tate Liverpool met à l’honneur les portraits « douloureusement réalistes » de l’Allemagne entre les deux guerres. En phase avec les conseils de Morgan, l’art d’Otto Dix décontenance par sa tension créatrice — nous sommes d’emblée choqués, mais aussi quelque peu charmés. Dans une critique de cette exposition, The Guardian souligne la complexité et les ambiguïtés des œuvres provocantes d’Otto Dix, qu’il décrit comme « cyniques et délibérément obscènes », mais pas complètement négatives. « Son art nous invite à nous interroger sur la signification de la décadence, puisque les scènes scandaleusement érotiques qu’il dépeint expriment une foi dans le progrès social et la libération. »
Reproduction avec l’aimable autorisation de la Tate.
Une nouvelle exposition d’Ai Weiwei au musée Hirshhorn se joue de l’équilibre et de la composition pour inviter les visiteurs à réfléchir à une actualité déconcertante. L’exposition rassemble 176 portraits (réalisés en briques Lego) de militants dont l’artiste dit qu’ils « sont détenus, exilés ou recherchent l’asile politique du fait de leurs actions, convictions ou affiliations. » Si vous n’êtes pas troublé par cette juxtaposition inattendue, vous le serez à coup sûr par le papier peint d’Ai Weiwei. Intitulé « The Plain Version of the Animal That Looks Like a Llama but Is Really an Alpaca », son motif kaléidoscopique est plaisant au premier regard mais, de plus près, sa trame se révèle inquiétante — chaînes, menottes, caméras de surveillance et gros plan sur le logo Twitter (et des alpagas).
Pour passer en revue d’autres décompositions décalées qui vous feront réfléchir, consultez notre galerie Adobe Stock. Nous avons réuni des images qui piquent la curiosité en se jouant du quotidien : portraits d’inspiration cubiste, pied intégrant une chaussure, ou contraste saisissant d’une manifestation, où une femme aux vêtements colorés fait face à un cordon de policiers en uniformes sombres.
VALI_111/ADOBE STOCK
Restez fidèles à notre blog ce mois-ci : nous analysons en détail des portraits décalés et nous rapprochons d’artistes qui se jouent des proportions de manière surprenante.
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