[Type@Paris] Entretien avec Agnès Dahan
Si vous ne connaissez pas encore le travail d’Agnès Dahan, nous vous proposons d’aller à la rencontre de cette artiste en parcourant son site web. Directrice artistique indépendante, Agnès a fondé en 2004 un studio graphique spécialisé dans l’édition culturelle et l’identité visuelle pour plusieurs disciplines : design, photographie, création contemporaine, mais aussi arts vivants. Elle était l’invitée de Type@Paris dont Adobe est partenaire cette année encore et a répondu à quelques questions.
Qu’est-ce qui vous a poussée à vous intéresser à l’art et au design ?
Agnès Dahan : Je pense que la première œuvre d’art qui m’a véritablement émerveillée était une chorégraphie de Wim Vandekeybus et, même si je n’en ai pas mesuré la portée à l’époque, cette rencontre a été fondamentale pour moi. Je n’ai pas grandi dans une famille d’artistes et n’ai pas suivi un cursus artistique classique. Je me suis orientée vers les Arts appliqués par instinct, et j’ai travaillé assidûment pour être acceptée à la prestigieuse École normale supérieure de Cachan, où l’enseignement était finalement trop théorique à mon goût. J’ai donc quitté cet établissement pour suivre une formation sur les arts vivants à l’université.
Durant cette formation, j’ai pris conscience que très peu d’ouvrages étaient publiés sur les arts du spectacle et, plus spécifiquement, sur le processus de création. J’ai fait un stage auprès du chorégraphe Boris Charmatz et me suis tout naturellement employée à documenter ces représentations (sténopé, dessins, entretiens, photos) avant de bricoler avec les moyens du bord un livre exposant le fruit de mes recherches. À cet instant, j’ai pris la pleine mesure de l’apport culturel de l’édition.
Que représente, à vos yeux, la concrétisation physique de votre travail (que ce soit sous forme de livre, de scénographie d’exposition ou de signalétique) ? Pensez-vous que ce n’est pas faire honneur à vos créations que de les confiner à un écran d’ordinateur ? Ou bien cela dépend-il tout simplement du projet ?
Pour moi, chaque projet revêt d’emblée une forme physique. Je l’imagine tout à la fois dans sa matérialité et dans sa conceptualité. L’une ne va pas sans l’autre.
Qu’est-ce qui a été déterminant dans votre éducation et votre parcours en tant que designer ? Il peut s’agir d’une personne, d’un établissement ou d’une autre ressource.
Incontestablement, les professionnels que j’ai rencontrés tout au long de ma carrière : les chorégraphes Catherine Contour, Boris Charmatz et Alain Michard, le graphiste et éditeur Xavier Barral, la conservatrice et théoricienne Chantal Pontbriand et l’architecte Patrick Bouchain. Tous m’ont beaucoup appris ; ils ont donné du sens, et une orientation, à mon travail.
Je n’aime guère la notion de « créatrice toute puissante » que véhicule le titre de directrice artistique, celle d’une vedette sur le marché de la création. Chacun des projets produits dans le studio est incontestablement le fruit d’un travail d’équipe ; jamais je n’y serais arrivée seule. Intuition, inspiration, envie et motivation ont beau être au rendez-vous de mon côté, sans l’aide des autres, je serais incapable de créer quoi que ce soit Il faut que chacun en soit convaincu parce que cela ne s’apprend pas sur les bancs de l’école.
Qu’est-ce qui, en dehors de votre secteur d’activité, vous inspire ?
Les individus et leurs réflexions.
Auriez-vous quelques anecdotes amusantes ou embarrassantes à nous raconter ? N’ayez pas peur, soyez franche. Nous sommes entre nous !
J’ai réalisé un livre sur Apollinaire l’an dernier, publié aux éditions Textuel. Ce poète comptait, parmi ses nombreux amis, des artistes peintres comme Matisse, Picasso ou Sonia Delaunay. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet, nous nous sommes interrogés sur la plasticité dans son œuvre et sur ses influences. Nous nous sommes mis aux travaux plastiques à grand renfort de collages, d’impressions, de découpes, etc. Anecdote amusante : après tout un tas d’essais intuitifs de collages et de découpes autour de son nom, nous avons mis la main sur un collage de Matisse relativement proche de ce à quoi nous étions parvenus. Nous étions à la fois fiers et bien décidés à concrétiser un projet qui s’avérait, en définitive, pertinent. Le côté embarrassant, c’est qu’au final, nous n’avons pas pu publier l’ouvrage avec la couverture typographique que nous aimions tant, et que l’éditeur avait approuvée, parce que l’auteur a mis plus d’une année à nous faire parvenir ses textes et que, dans l’intervalle, un autre livre sur Apollinaire avait été publié chez Gallimard… Nous avons donc dû faire machine arrière et repartir de zéro. C’était vraiment agaçant. Nous avons eu énormément de mal à faire le deuil de notre premier projet, mais nous étions pour ainsi dire en mesure de le recréer … Nous avons conservé les papiers découpés, que nous avons associés à un calligramme afin de faire ressortir la spécificité de cet ouvrage par rapport à l’autre. Nous pensons qu’il s’agissait d’un bon compromis.
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Entretien réalisé par Dave Coleman et publié dans sa version originale (anglais) sur https://www.typeparis.com/news/qa-sessions-agnes-dahan/