NRF 2018, Jour 1 : Ces retailers qui sont au plus près du quotidien des consommateurs
Post rédigé par notre reporter Grégory Pouy.
En arrivant à cette conférence qui réunit plus de 35 000 participants et 600 exposants, on comprend très vite que le retail n’est pas mort, si jamais le doute vous assaillait.
Comme le rappelle d’ailleurs Terry Lundgren, le président de Macy’s et de la NRF, le commerce représente 1/4 des emplois aux U.S.A et est de ce fait le premier générateur de travail.
En arrivant à la conférence d’introduction, une vidéo donne le ton avec une phrase de la fondatrice de la boutique Story à NYC : « Le commerce, c’est se poser la question de ce que l’on pourrait offrir aux consommateurs qu’ils ne pourraient pas avoir depuis leur canapé. »
Cette conférence est très riche en contenu alors voici un petit tour d’horizon des 3 interventions qui m’ont le plus marqué.
1. « Ce qui nous intéresse, c’est la part de garde-robe que nous arrivons à avoir » James Curleigh, Président de Levi’s
Levi’s est une marque intéressante car vieille de 150 années et qui a connu ces 5 dernières années un énorme tournant qui s’avère payant.
Toutefois, James Curleigh ne parle pas particulièrement de commerce, il donne une vision globale dans laquelle le retail s’intègre pleinement.Un élément particulièrement notable dans sa présentation est qu’il débute avec la mission, la vision et les valeurs de la marque.
Elles constituent selon lui l’épine dorsale de l’ensemble des décisions prises par l’entreprise alors que, trop souvent, on croise des marques pour lesquelles ces éléments sont mal définis voire factices.
James Curleigh de nous rappeler qu’aujourd’hui, les jeans représentent 7% des garde-robes et que l’ambition de Levi’s d’en développer la part est devenue l’un des K.P.Is qu’ils ont créé. Pour réussir dans cet univers, il faut, selon lui, atteindre l’équilibre entre la protection de l’épine dorsale de l’entreprise (mission, vision, valeurs) et le développement.
Se développer, c’est réussir à offrir au client de la simplicité autant que possible dans un monde toujours plus complexe. Même si cette simplicité est une mission complexe pour le commerçant, le client ne doit pas s’en rendre compte. Cela implique d’utiliser la technologie lorsqu’elle est nécessaire, d’être le plus omnicanal possible, d’avoir une logistique moderne et avancée, etc.
Un élément-clef de son discours est qu’on ne peut plus avancer seul dans le monde actuel : il faut surprendre et faire des collaborations. (C’est d’ailleurs une idée qui est revenue à plusieurs reprises au court des différentes prises de parole.) C’est la raison pour laquelle la marque lance une collaboration la semaine prochaine avec Michael Jordan pour des collections évènementielles, mais également avec les clients ou encore avec des boutiques qui se sont appropriées des produits vintage Levi’s en les revendant sous une autre marque.
James Curleigh a également profité de cette conférence pour annoncer le lancement de leur prochain flagship store au cœur de NYC à Time Square.
2. La nouvelle génération de rockstars du commerce
Un panel réunissait autour d’une table-ronde le fondateur de Maveron, le fondateur du Musée de la Glace (Museum of Ice Cream), la fondatrice de Story, le fondateur de &Pizza et celle de Beauty Pie. En bref, les phénomènes du commerce les plus remarquable de ces dernières années. Ce que l’on retient principalement de cette intervention se structure autour de quatre éléments :
- Vous ne devez pas être simplement centrés client mais obsédés par vos clients
- Vous devez avoir une mission clairement définie
- Vous devez innover sans cesse
- Vous devez proposer une expérience sans couture
Pour y arriver, la clef reste l’humain car comme plusieurs intervenants l’ont rappelé : « _It’s a people business _», c’est-à-dire un business centré sur l’humain. Autrement dit, « _les salariés sont votre marque _», comme l’assène Michael Lastoria le co-fondateur de &Pizza. Manish Vora, le fondateur du Musée de la Glace de rappeler qu’une boutique est une destination et que pour réussir dans le commerce aujourd’hui, il faut se souvenir de :
- Répondre aux besoins d’une nouvelle génération qui ne veut pas être passive mais qui souhaite pouvoir participer
- Eveiller l’imagination et faire en sorte que les clients puissent s’amuser comme des enfants
- Utiliser tous les sens (odorat, vue, toucher…)
- Rassembler les gens, créer un lieu de convivialité
- Avoir une position forte face à la société
- Permettre aux clients de capturer des souvenirs en leur donnant la possibilité de devenir eux‑mêmes l’expérience.
Le principe de responsabilité sociale a souvent été soulevé mais Michael Lastoria, le co-fondateur de &Pizza, reste la personne ayant le plus insisté dessus. Quand on parle de commerce, Amazon arrive très rapidement dans la conversation. Or selon la quasi intégralité des intervenants, dans un monde de plus en plus divisé, on ne peut plus réussir aujourd’hui sans un positionnement clair voire radical au sein de la société. C’est ainsi que &Pizza s’est positionné comme « anti establishment », centré sur leur tribu dont ils prennent le plus grand soin, très actif dans le monde caritatif et en soutien d’artistes et de la créativité en général.
La conclusion de ce panel reste qu’Amazon n’est plus intouchable mais que les commerçants ne peuvent l’attaquer sans identifier et tirer parti de ce qui les différencie les uns des autres, c’est-à-dire ce lien, cette rencontre, cette capacité à défendre des principes forts.
3. Par-delà Amazon – Kate Ancketill, CEO de GDR
Kate débute en dressant le tableau du contexte sociétal dans lequel nous évoluons :
- Il n’y a plus de honte à acheter discount quel que soit son niveau social
Nous sommes dans un monde post‑récession dans lequel 76% des nouveaux magasins ouverts aux Etats-Unis depuis 2008 sont des Dollar General (enseigne de grande distribution à prix bas) au point qu’en 2018, on envisage qu’il y ait plus de Dollar General que de McDonald’s aux Etats-Unis.
- Un déclin de la classe moyenne
Aucune surprise pour ceux qui ont suivi les thèses de Piketty mais Kate nous rappelle que la classe moyenne s’est effondrée par rapport à une classe pauvre qui s’est développée en nombre d’individus. En miroir, il y a une concentration des richesses autour d’un petit nombre de personnes.
- Trop de magasins situés dans de mauvais emplacements, en particulier aux Etats-Unis.
- Un déplacement majeur de l’expérience qui va bien au-delà du produit
- Une industrie du e‑commerce, à débuter par Amazon, qui répond plus vite aux changements du marché
Dès lors, Kate affirme que le commerce se trouve à un point d’inflexion car il a été bâti pour répondre à un groupe de consommateurs très large et plus ou moins homogène. Aujourd’hui, le monde est totalement fragmenté, nécessitant donc de la part des commerçants d’avoir des propositions de valeurs en conséquence. Si la machine du commerce semble cassée, il ne faut pas une nouvelle machine mais une nouvelle approche.
A l’instar de Wallmart qui a enlevé « store » de son nom, pour s’inscrire encore plus dans la vie des consommateurs en :
- Créant de nouveaux canaux contextuels (Toyota permet de faire ses courses depuis le tableau de bord de sa voiture)
- Développant une vision périphérique, c’est-à-dire d’aller là où on ne vous attend pas nécessairement (Castorama a développé un papier peint « magique » qui permet de raconter des histoires aux enfants)
- De se concentrer sur le « lifestyle» (le Musée de la glace permet aux personnes de construire leur marque personnelle sur les réseaux sociaux en offrant des espaces d’expériences et instagrammables par exemple)
Il serait donc faux de penser que le commerce en est à son dernier souffle. C’est en réalité tout l’inverse qui est en train de se produire mais, encore une fois, cela implique de se concentrer sur ses employés et surtout de regarder le monde avec de nouvelles lunettes car définitivement le monde a changé et les vieilles recettes ne sont plus efficaces.
A demain pour le deuxième jour !