Pérennisez votre éthique pour pérenniser votre activité

Le paysage économique actuel est mar­qué par des para­dox­es et des forces antin­o­miques. Les con­som­ma­teurs récla­ment des con­tenus per­son­nal­isés tout en s’inquiétant de la con­fi­den­tial­ité de leurs don­nées. Les pro­fes­sion­nels du mar­ket­ing se démè­nent pour attein­dre leurs objec­tifs d’acquisition, alors même qu’ils peinent à fidélis­er leur clien­tèle. Les inter­ac­tions avec le pub­lic s’opèrent à grand échelle, don­nant lieu à des mil­lions d’échanges à la minute ; pour­tant, ces instants devi­en­nent tou­jours plus intimes.

Avec l’émergence de tech­nolo­gies comme l’intelligence arti­fi­cielle (IA), l’analyse du Big Data, l’automatisation et l’Internet des objets (IoT), les ten­sions entre ce qui est pos­si­ble au plan tech­nologique et ce qui est défend­able au plan éthique don­nent lieu à des dilemmes de plus en plus insol­ubles. En par­al­lèle, étant don­né que la qua­si-total­ité des enseignes par­ticipe à la créa­tion et à la prop­a­ga­tion de con­tenu, les ques­tions d’éthique, de cen­sure, de sincérité et de par­tial­ité se posent bien au-delà de la sphère des médias tra­di­tion­nels, et con­cer­nent chaque secteur d’activité.

Dans tous ces domaines, les dirigeants sont partagés entre la néces­sité d’améliorer leurs résul­tats vis-à-vis de leurs par­ties prenantes, et l’envie de défendre leurs pro­pres con­vic­tions éthiques dans les pra­tiques com­mer­ciales qu’elles sanc­tion­nent. La per­spec­tive de gag­n­er 10 000 nou­veaux abon­nés, ou d’enregistrer une pro­gres­sion du taux de clics de 150 % sur les emails, est sans doute de nature à ral­li­er tous les suf­frages, mais se focalis­er sur des indi­ca­teurs de mesure de manière isolée risque d’occasionner de graves erreurs d’appréciation, une seule suff­isant à anéan­tir des rela­tions de con­fi­ance qu’il a fal­lu des dizaines d’années pour tiss­er avec les clients.

Comme je l’affirme dans mon livre Future­proof, le moyen le plus sûr pour préserv­er l’avenir de votre entre­prise, c’est de con­cili­er per­for­mance et éthique, pour cha­cune des sphères tech­nologiques con­sid­érées. Voici com­ment cet équili­bre s’opère.

Trois angles d’approche des dilemmes éthiques

À chaque fois que vous abor­dez les ques­tions éthiques qui por­tent sur ces nou­velles forces dis­rup­tives, il importe de pren­dre en compte ce que je désigne sous l’acronyme PIE :

Même si ces ques­tions peu­vent paraître élémen­taires, leurs con­séquences peu­vent présen­ter de sur­prenantes divergences.

L’idée de pren­dre des déci­sions tech­nologiques en s’en ten­ant stricte­ment au point de vue des par­ties prenantes, et de se hâter de les appli­quer sitôt qu’elles sont validées par votre ser­vice juridique, pose notam­ment un grave prob­lème. Après tout, une légitim­ité juridique n’implique pas néces­saire­ment une légitim­ité éthique. De plus, les lég­is­la­tions en ques­tion vari­ent énor­mé­ment d’un pays à l’autre.

Sur le plan externe, nous devons égale­ment nous préoc­cu­per du type de parte­naires avec lesquels nous tra­vail­lons. Dans un monde aux pris­es avec tant de tech­nolo­gies émer­gentes, chaque acteur doit priv­ilégi­er la col­lab­o­ra­tion pour met­tre à prof­it de nou­velles capac­ités. Mais un réseau élar­gi accroît égale­ment la vul­néra­bil­ité : si l’un de vos parte­naires com­met une atteinte à l’éthique, son man­que­ment met­tra égale­ment votre mar­que en péril. Plus votre entre­prise défend bec et ongles sa ligne éthique et s’entoure de parte­naires partageant les mêmes valeurs, mieux vous anticiperez et esquiv­erez les risques dans ce domaine.

Au bout du compte, l’éthique relève du domaine privé, et vos clients, parte­naires et col­lab­o­ra­teurs l’évaluent d’un point de vue per­son­nel, et non juridique.

Con­sid­ér­er ces déci­sions sous un angle per­son­nel engen­dre beau­coup de ques­tions. Quel héritage comptez-vous laiss­er der­rière vous, par rap­port à la per­cep­tion qu’ont vos clients et vos col­lab­o­ra­teurs de vos actions ? Par­leriez-vous facile­ment à vos enfants de vos appels à l’éthique que vous avez lancés ? Votre grand‑mère serait-elle fière des posi­tions que vous avez adop­tées ? Faire abstrac­tion de nos valeurs morales au bureau est une per­spec­tive qui met la plu­part d’entre nous mal à l’aise — à juste titre.

Ce qui nous amène au dernier aspect du PIE : la dimen­sion interne, opéra­tionnelle. Il est cru­cial de ren­forcer l’ossature éthique de votre entre­prise, du strict point de vue de la préser­va­tion de votre effi­cac­ité opéra­tionnelle. Et ce, pour les trois raisons suivantes.

Trois raisons qui jus­ti­fient de con­solid­er votre éthique

Pre­mière­ment, la cui­sine interne et la cul­ture de votre étab­lisse­ment ne sont plus à l’abri de la vig­i­lance du pub­lic. Nous con­sta­tons que les pra­tiques d’un nom­bre crois­sant d’entreprises et de patrons sont dénon­cées, avec de lour­des con­séquences à la clé pour les cadres dirigeants impliqués et le cours de l’action des acteurs con­cernés.

Deux­ième bonne rai­son d’affermir votre éthique : la tech­nolo­gie est source de change­ments con­stants. En faisant appel aux nou­velles tech­nolo­gies pour dynamiser votre activ­ité, vous aurez accès à de nou­velles oppor­tu­nités intéres­santes — par­fois en tant que précurseur — mais vous vous aven­tur­erez égale­ment sur des ter­rains où il n’existe ni lég­is­la­tion claire, ni précé­dent. Les tech­nolo­gies émer­gentes comme la génomique, l’impression 3D, les véhicules autonomes et l’intelligence arti­fi­cielle s’accompagnent de ques­tions éthiques. Con­crète­ment, il vous appar­tien­dra de tranch­er en ten­ant compte de l’intérêt bien com­pris de vos clients et de la san­té de votre entre­prise sur le long terme. Votre entre­prise sera-t-elle réputée pour son intégrité au sein du corps social ou pour sa vorac­ité sans limite ?

Troisième et dernière rai­son : vous devez con­solid­er votre éthique organ­i­sa­tion­nelle car il s’agit là du moyen le plus fiable de con­cili­er au mieux les résul­tats et con­traintes à court terme d’une part, et la fidéli­sa­tion de la clien­tèle à long terme d’autre part. Tous les acteurs seront soumis à la ten­ta­tion de cibler des vic­toires faciles, comme la pro­gres­sion des taux de clics et de con­ver­sion. Il arrive que les chefs d’entreprise adoptent une parade pour remédi­er à l’essoufflement du taux de clics : elle con­siste à inten­si­fi­er l’envoi heb­do­madaire de mes­sages non sol­lic­ités. Mais cette vision à court terme, basée sur un indi­ca­teur de mesure, n’éloigne pas seule­ment les clients : il nuit au sérieux de votre étab­lisse­ment et rebute les éléments les plus per­for­mants que vous voulez — néces­saire­ment — inté­gr­er à votre vivi­er de talents.

Alors, que faut-il en con­clure pour votre entre­prise ? Pre­mière­ment, le rôle de l’éthique doit être reval­orisé, et le débat favorisé, pour venir à bout des prob­lé­ma­tiques com­plex­es, en con­stante évolu­tion, liées aux tech­nolo­gies. Deux­ième­ment, en tant que chef d’entreprise, vous devez infuser vos valeurs éthiques dans votre envi­ron­nement pro­fes­sion­nel. Et troisième­ment, ne lais­sez pas l’équipe juridique dicter votre ligne éthique. Il ressort d’un nom­bre crois­sant de travaux de recherche que les salariés veu­lent tra­vailler pour des entre­pris­es où les moyens comptent tout autant que la fin — et nom­bre d’études étab­lis­sent que les con­som­ma­teurs choisiront celle qui porte des valeurs morales irréprochables.