Une hallucination collective : comment les artistes façonnent l’avenir de la réalité augmentée
Au début de l’été, San Francisco a accueilli une exposition sur la réalité augmentée et virtuelle intitulée Festival of the Impossible (Festival de l’impossible). Pour découvrir les somptueux univers créés par les artistes, les visiteurs étaient munis de tablettes. Dans l’une des œuvres, l’artiste avait converti la voix d’un chanteur d’opéra et projetait en direct une cartographie des sons et ambiances véhiculés par la musique. Une autre installation plongeait les visiteurs dans l’enfance sino-américaine de l’artiste et les invitait à faire eux-mêmes l’expérience des avantages et inconvénients de son identité biculturelle.
Même si nous ne sommes qu’à l’aube de la réalité augmentée (RA), ces projets donnent un aperçu du potentiel de ce moyen pour raconter des histoires immersives, en faisant appel aux émotions humaines. Après s’être rendue au festival, Esme Bella Rice, du magazine Wired, a rédigé un article sur la façon dont la technologie peut réveiller le narrateur qui sommeille en chaque artiste : « J’ai réalisé que les créations n’étaient pas uniquement des démonstrations technologiques, mais qu’elles offraient aussi aux artistes une occasion unique d’exprimer leur ingéniosité au travers de la technologie, avec une facilité et un réalisme déconcertants. »
Ce que la créativité a à gagner de la RA
« La réalité augmentée change radicalement la donne. Je crois qu’elle permet aux artistes de rendre le monde incroyablement ludique et de susciter de profondes émotions », confie Stefano Corazza, Head of Augmented Reality chez Adobe et fondateur du Festival of the Impossible. Stefano Corazza est aux avant-postes des technologies de réalité augmentée depuis de nombreuses années, comme en témoigne son travail de développement de technologies d’animation de personnages 3D en qualité de fondateur de Mixamo.
Pour Stefano Corazza, la RA a le pouvoir de combiner le meilleur des mondes physique et digital. « Nous sommes habitués à l’art dans le monde physique, sans tous les avantages de l’interactivité. Nous connaissons aussi les expériences interactives qui sont entièrement digitales et diffusées sur écran. La RA est à la croisée des deux mondes. Elle confère au monde physique un niveau de souplesse et de fluidité inédit. »
Deux qualités, en particulier, font de la RA un support à la fois nouveau et distinctif pour les artistes. La première : sa dimension immersive. « Si notre champ de vision binoculaire avoisine les 120 degrés, les expériences à l’écran n’occupent que 10, 20, voire 30 % de ce champ », déclare Stefano Corazza. « La perception de ces expériences a toujours été limitée. Au final, vous n’êtes pas complètement dedans. La RA présente le formidable avantage de repousser cette limite et de vous propulser réellement dans ces univers. »
La deuxième qualité : l’interactivité. Comme la RA jaillit littéralement de l’écran et se confond avec le monde physique, elle offre toutes sortes de possibilités — qui n’ont souvent pas encore été entièrement imaginées — en matière d’interaction avec l’art qui l’exploite. Selon Stefano Corazza, nous interagirons de tout notre corps avec les expériences RA ; nous n’aurons plus besoin de claviers, de souris ou de tablettes.
« L’un des artistes en médias immersifs de notre programme Creative Residency a donné la meilleure définition qui soit de la RA », révèle Stefano Corazza. « La RA est une hallucination collective. »
Joyce Grimm, Conservateur du festival, espère que la RA énergisera la créativité : « J’aime à penser que les avancées de la RA encourageront les gens à imaginer et créer de nouvelles possibilités, et à partager leurs idées pour l’avenir. »
Quant à la prochaine étape que les artistes franchiront avec la RA, Stefano Corazza estime que nous sommes à l’aube d’un cycle que nous avons par ailleurs connu avec d’autres technologies. Le cinéma, à ses débuts, servait à capturer des performances en direct, mais les artistes se le sont appropriés pour en faire un art totalement nouveau. De même, avant que les artistes en prennent les rênes pour développer ses dimensions expérimentales et expressives, la photographie consistait à l’origine à créer des portraits formels et mis en scène. En ce qui concerne la RA, le champ des possibles est totalement ouvert, et les artistes commencent à envisager son avenir.
Vers la démocratisation de la RA
Si nous n’envisageons pas (encore) la RA dans notre quotidien, la base de son adoption massive s’étend à mesure que la créativité évolue. D’ici la fin de l’année, 800 millions de téléphones et de tablettes optimisés pour la RA seront entre les mains des utilisateurs, un chiffre qui devrait dépasser les quatre milliards d’ici 2020, avec des accessoires connectés dans un futur proche. Et grâce à Pokémon Go_, _la RA est déjà ancrée dans la conscience collective, prouvant que des millions d’individus sont prêts à intégrer dans leur vie ce support à la croisée des univers physique et digital.
De nouvelles applications de la RA font leur apparition dans tous types de secteurs. Si la RA s’invite dans les visites de musées, elle est également très prisée des street artists pour concevoir des expositions alternatives ; et utilisée par les marques pour faire essayer les produits avant achat. L’application IKEA Place permet de visualiser les meubles chez soi avant de les acheter. L’application Makeup Genius de L’Oréal permet de tester les produits de maquillage sur son propre selfie et la plate-forme Artsy d’accrocher virtuellement une œuvre d’art au mur avant de l’acheter.
Cet été, la popularité de la RA devrait encore monter d’un cran avec le nouvel album de Justin Timberlake, qui inclut une application lui permettant de s’inviter dans le salon des auditeurs pour discuter de son travail et aux fans d’explorer virtuellement le décor de l’une de ses chansons.
La technologie de développement de la RA évolue également très rapidement, offrant davantage d’opportunités aux créatifs qui ne sont pas forcément des techniciens. « Notre objectif, en tant que développeurs d’outils chez Adobe, est de rendre la perception de l’hallucination collective de la RA aussi réelle que possible », ajoute Stefano Corazza. « Plus elle paraîtra réelle — visuellement et émotionnellement parlant —, avec des rendus, des matériaux et des lumières incroyables, plus nous permettrons aux artistes et narrateurs de nous montrer l’avenir, de créer des œuvres qui nous plongeront dans de nouvelles réalités. »
Pour en savoir plus sur la réalité augmentée
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