La technologie des jeux vidéo change le processus de conception et de visualisation des produits
Blog post rédigé par Stefano Corazza
Les logiciels et le matériel dans le monde de l’infographie ont récemment fait l’objet d’innovations qui ont permis de franchir un cap. Il est en effet plus rapide et moins coûteux de restituer des objets et scènes virtuelles à grande échelle que de filmer des scènes de la vie réelle. La technologie utilisée repose sur I) les fonctionnalités plus performantes des moteurs de rendu et II) une nouvelle catégorie d’outils de création qui permettent de peindre aisément les propriétés physiques des matières sur des modèles 3D. Ces outils ont été mis au point par Allegorithmic, aujourd’hui acquise par Adobe, ces dix dernières années.
Après s’être imposé sur le marché des jeux AAA, Allegorithmic s’attaque aujourd’hui au design et à la visualisation de produits, garantissant un rendu photoréaliste impressionnant, tout en faisant gagner du temps et en réduisant les coûts.
Évolution de la visualisation des produits
https://blog.adobe.com/media_950bc5f7265b56e85a78c9b574361b782f428175.gif
Au cours des dernières décennies, les supports de présentation des produits ont beaucoup changé, passant du papier au web, puis au web interactif et à la réalité augmentée. Le but a toujours été de fournir aux parties prenantes, collaborateurs ou acheteurs, autant d’informations visuelles que possible sur les produits afin d’améliorer la prise de décisions. La seule chose qui n’ait pas changé entre le moment où l’on est passé du support le plus tangible (le papier) au support le plus contextuel (la réalité augmentée), c’est le besoin de créer une représentation visuelle d’un produit la plus fidèle possible. Pendant très longtemps, il n’y avait pour cela d’autre moyen que de fabriquer le produit et de le prendre en photo.
Mais face à la prolifération des codes SKU (il suffit de songer à Amazon qui ajoute chaque jour 500 000 nouveaux produits) et à la multitude d’images produit requises pour le e-commerce, cette approche n’est plus viable. Les entreprises gèrent désormais des contenus entièrement digitaux : les images virtuelles remplacent les prises de vue et permettent de présenter les produits de manière plus souple, économique et modulable avant même qu’ils ne soient fabriqués. Jusqu’ici, c’était essentiellement le temps nécessaire pour créer de vrais contenus photoréalistes à partir de modèles 3D qui posait problème. Mais grâce aux récents progrès dans le domaine de l’infographie, ce n’est plus qu’un lointain souvenir.
Progrès en matière d’infographie et de rendu
https://blog.adobe.com/media_219d6b740727c73126ec1734e69dc767cabebc14.gif
Depuis les années 1970, la technique infographique la plus utilisée pour générer des images photoréalistes de modèles 3D est le lancer de rayon (ray tracing). Elle consiste à représenter le trajet de la lumière sous forme de pixels sur un plan image et à simuler son interaction avec des objets virtuels. Le lancer de rayon a longtemps été l’apanage des studios d’effets spéciaux et de films d’animation en raison des coûts de calcul et du manque d’uniformisation. Le rendu de modèles 3D photoréalistes est ainsi devenu un art que les programmeurs de shaders étaient les seuls à maîtriser parfaitement, solutions et implémentations sur mesure à l’appui.
Depuis quelques années, l’utilisation de cartes graphiques haut de gamme permet de plus en plus de bénéficier du lancer de rayon en temps réel, comme en témoigne l’association Nvidia RTX/Adobe Dimension. En parallèle, la définition des matières et des ombrages s’est considérablement uniformisée. Au lieu d’utiliser du code personnalisé pour représenter la manière dont les objets visuels réfléchissent la lumière, le rendu physique réaliste (PBR – Physically Based Rendering) simule les propriétés physiques de la lumière et les maps de texturing définissent la façon dont les modèles 3D réfléchissent la lumière.
https://blog.adobe.com/media_cb94b8d332189de7bd618fa6e6d948010c9202ae.gif
Cette évolution radicale a permis à l’artiste de prendre le contrôle du processus créatif. Qu’il s’agisse du lancer de rayon ou des applications en temps réel utilisant des moteurs de jeu, le rendu physique réaliste est devenu la norme universelle, favorisant l’interopérabilité des applications 3D, des moteurs de rendu et des studios. Visant à simuler les propriétés physiques de la lumière, les techniques PBR sont également le moyen idéal de produire des images photoréalistes.
Substance : nécessité et impact
https://blog.adobe.com/media_3dd154c9f25ad61573665876a03ad4dd64f11df5.gif
Les moteurs de rendu et le lancer de rayon en temps réel reposant de plus en plus sur les techniques PBR, de nouveaux outils s’imposent. La création manuelle et individuelle des maps de texturing requis pour le rendu physique réaliste – caractère métallique, rugosité, etc. – est fastidieuse et peu intuitive. Pourquoi un artiste devrait-il connaître les propriétés d’un métal rouillé (sa rugosité, par exemple), ainsi que leur variation sur un modèle 3D, pour créer une image photoréaliste naturelle ? Cette information pourrait fort bien être codée dans une matière que l’artiste responsable du processus créatif pourrait personnaliser à loisir.
C’est l’une des possibilités offertes par la technologie Substance d’Allegorithmic – un moyen simple de créer (avec Substance Designer) et peindre (avec Substance Painter) des matières PBR directement sur les modèles 3D, en produisant plusieurs maps de texturing à la fois d’un simple coup de pinceau, en temps réel, et en faisant appel à des techniques bien connues des utilisateurs de Photoshop, comme les calques et les modes de fusion. Cette technologie a changé la donne des PBR dans l’industrie des jeux vidéo. La plupart des grands éditeurs de jeux AAA, comme Ubisoft et Naughty Dog, l’ont en effet adoptée, et un nombre croissant de développeurs indépendants l’utilisent.
Mis au point par Allegorithmic, Substance sert en quelque sorte à décrire les propriétés des matières des modèles 3D à un haut niveau d’abstraction. Il permet de coder des maps de texturing personnalisables, ainsi que des fonctionnalités procédurales ayant un impact sur le résultat global. Allegorithmic a par ailleurs introduit dans Substance Painter une fonction de simulation physique qui simplifie considérablement la création de matières usées. Imaginez combien il serait difficile pour un artiste de reproduire fidèlement l’effet d’une goutte d’eau sur une surface incurvée. Grâce aux outils d’Allegorithmic, artistes et designers peuvent se focaliser davantage sur la création.
Impact sur l’industrie du cinéma et des effets spéciaux
https://blog.adobe.com/media_24c9fb04b10192d6750f4e3d0e5d2435ad5854d3.gif
Le rendu en temps réel à l’aide d’un moteur de jeux ainsi que l’homogénéité et le photoréalisme conférés par les techniques PBR ont révolutionné la création de contenu par les studios de cinéma et de télévision.
Que ce soit dans l’industrie du gaming ou dans la production de séries télé, de plus en plus de contenus sont créés en utilisant le compositing de fond vert en temps réel. Le processus d’itération et la baisse des coûts qui en découle accélèrent cette transformation. Et l’expérience de création est plus agréable en l’absence de temps d’attente, les nouveaux workflows s’apparentant au procédé de marionnette numérique.
Parmi les solutions de production vidéo d’Adobe, Adobe After Effects inclut déjà des fonctions de compositing 2D et 3D. Adobe envisage de mettre au point d’autres workflows pour accélérer et simplifier le compositing vidéo. Une fois les fonctionnalités du logiciel After Effects étoffées, il sera possible d’importer directement dans ce dernier du contenu texturisé à l’aide des outils Substance et de composer des éléments 2D et 3D en temps réel, en offrant le rendu photoréaliste si cher à l’industrie du cinéma et des effets spéciaux.
Adoption de Substance et des techniques de rendu physique réaliste
Il y a trois ans, Adobe a lancé Adobe Standard Material avec le concours d’Allegorithmic. Utilisé dans Adobe Dimension, la preview de Project Aero, Adobe Capture et toutes les matières 3D d’Adobe Stock, ce standard PBR est parfaitement pris en charge par les outils Substance.
L’acquisition d’Allegorithmic va également permettre à Adobe d’intégrer massivement le kit SDK Substance dans ses produits, faisant de Substance un standard mondial incontournable pour la création de matières. Ce kit SDK est d’ores et déjà utilisé dans Adobe Capture, la première application capable de créer une matière PBR à partir d’une photo. Il s’intègre également avec les principaux outils et moteurs 3D du marché, et garantit une interopérabilité sans faille.
Fort du standard PBR et de son format d’édition Substance, Adobe propose un ensemble unifié de matières pour les jeux vidéo, le cinéma, ainsi que le design et la visualisation de produits.
Quid des médias immersifs ?
Adobe a récemment dévoilé une preview de Project Aero, un système multi-plateforme de création d’expériences en réalité augmentée. Pour Adobe, la réalité augmentée est un prolongement logique au sens où elle étend le concept de compositing. Photoshop et After Effects sont respectivement les logiciels de compositing photo et vidéo les plus sophistiqués, Aero déclinant les deux disciplines en temps réel, dans le monde réel. Le rendu photoréaliste joue un rôle clé dans la réalité augmentée, car il permet de fusionner parfaitement le réel et le virtuel, ce qui rend l’expérience crédible, mais aussi plus conviviale et plus intuitive.
Le moteur Aero fait essentiellement appel aux matières PBR et tire parti du machine learning pour ce qui est de la lumière. Résultat : un rendu photoréaliste exceptionnel et des objets réels et virtuels impossibles à différencier dans les expériences de réalité augmentée. Le workflow entre Substance Painter et Dimension est actuellement le meilleur moyen d’importer des modèles 3D avec matières PBR dans Aero, mais d’autres workflows arrivent.
Conclusions
Après s’être imposés dans l’univers des jeux vidéo, les outils d’Allegorithmic sont en train de conquérir d’autres secteurs d’activité (cinéma, design, visualisation de produits et marketing), séduits par les gains de temps et la diminution des coûts.
La visualisation 3D occupe évidemment une place de choix dans l’univers des jeux vidéo et des effets spéciaux. Le produit final étant digital, le passage à la 3D est devenu une nécessité. Les innovations se multiplient dans d’autres secteurs généralement plus axés sur les produits physiques et le design produit, comme l’emballage des biens de consommation, la mode, la grande distribution, le conditionnement, etc.
Les produits sont aujourd’hui très souvent conçus en 3D, mais un certain nombre d’étapes compliquent et ralentissent le processus : le designer adaptant le nouveau jeu de coloris doit souvent revenir à un workflow 2D, le professionnel du merchandising en train de concevoir un espace de vente doit reproduire un assortiment en opérant des rendus dans Photoshop, et l’UX designer planchant sur la nouvelle mouture d’un site de commerce électronique ou d’une application de réalité augmentée doit recréer entièrement le contenu. Avec les outils d’Allegorithmic, les entreprises peuvent désormais tirer parti des modèles 3D des produits tout au long du parcours client – du contenu e-commerce aux expériences immersives en passant par les supports marketing et les catalogues.
Adobe collabore avec Allegorithmic depuis 2015 pour développer ces fonctions de création et étendre leur portée. En acquérant Allegorithmic, la référence pour la création de textures et de matières 3D, nous allons à présent étoffer les fonctions de design de contenus 3D. En associant les outils de design 3D d’Allegorithmic à ses célèbres logiciels d’imagerie, d’animation graphique et de production vidéo, Adobe va permettre aux auteurs de jeux vidéo, aux créateurs d’effets spéciaux travaillant pour le cinéma et la télévision, aux designers et aux annonceurs d’offrir de puissantes expériences interactives, tout en réduisant les coûts et en accélérant la mise sur le marché.
Annexe
Rendu physique réaliste (PBR – Physics Based Rendering) : le rendu physique réaliste est un sous-ensemble d’images générées par ordinateur qui utilise des modèles d’ombrage empiriques. Autrement dit, au lieu de reproduire le « look » d’une scène 3D à l’aide de shaders personnalisés, nous nous appuyons sur les lois de la physique (le principe de conservation de l’énergie, par exemple) pour décrire la manière dont la lumière est réfléchie par les objets 3D et élaborons des cartes des matières définissant les propriétés correspondantes (rugosité, translucidité, brillance, etc.). Le rendu physique réaliste est d’une grande utilité car il garantit un rendu homogène dans toutes les applications, ne requiert aucune programmation de shaders et produit des résultats photoréalistes.