Les banques traditionnelles en panne face à la disruption digitale des fintechs ?

Dans un con­texte de con­cur­rence accrue, d’évolution des com­porte­ments clients et d’un cadre régle­men­taire con­traig­nant, les ban­ques opèrent leur muta­tion dig­i­tale avec en ligne de mire le rôle essen­tiel joué par le con­seiller et la data.

Les ban­ques tra­di­tion­nelles ne doivent pas seule­ment faire face aux nou­veaux com­porte­ments de leurs clients, elles doivent égale­ment s’adapter à de nou­veaux acteurs entrants. L’émergence des fin­techs inten­si­fie en effet la con­cur­rence et remod­èle l’industrie finan­cière et ban­caire. Ces nou­veaux entrants ne sont pas issus du giron tra­di­tion­nel de la banque ni même de l’assurance. Ce sont des entre­pris­es sou­vent tech­nologiques qui pro­posent une gamme restreinte de ser­vices, mais offrent une expéri­ence en phase avec les nou­veaux com­porte­ments des clients : la mobil­ité, la per­son­nal­i­sa­tion, la rapid­ité de traite­ment des deman­des, la facil­ité de règle­ment sur dif­férents sup­ports, les paiements affini­taires ou l’utilisation des réseaux soci­aux comme média d’échange. « _Ces nou­veaux entrants se dis­tinguent par leur capac­ité d’exécution : ils dévelop­pent de nou­veaux ser­vices et s’adaptent de façon très rapi­de aux nou­veaux com­porte­ments des clients _», explique Aurélie L’Hostis, Senior Ana­lyst chez For­rester, lors de sa 1ère con­férence en France sur les Ten­dances 2019/2020, organ­isée en parte­nar­i­at avec Adobe.

L’expérience, une pri­or­ité stratégique

Face à cette rapid­ité d’exécution et aux exi­gences des clients, les ban­ques tra­di­tion­nelles peu­vent-elles accélér­er leur muta­tion ? La réponse est en par­tie tech­nologique. Selon For­rester, l’IA s’impose en 2019 comme une pri­or­ité stratégique pour l’ensemble des ser­vices financiers et ban­caires pour amélior­er leur per­for­mance opéra­tionnelle autant que pour opti­miser les expéri­ences clients. Mais si un nom­bre crois­sant de ban­ques ont recours à l’IA, c’est bien la com­bi­nai­son des tech­nolo­gies qui per­met au secteur d’assurer sa trans­for­ma­tion. « L’alchimie s’opère à la croisée de plusieurs tech­nolo­gies, comme l’open bank­ing, la ges­tion de l’identité et des don­nées per­son­nelles, les agents intel­li­gents, la ges­tion temps réel des inter­ac­tions, les plate­formes applica­tives cloud et bien sûr l’IA et les solu­tions cog­ni­tives », con­firme Aurélie L’Hostis.

« On ne peut pas trans­former notre organ­i­sa­tion avec des tech­nolo­gies », tem­père Yves Tyrode, Directeur Général en charge du dig­i­tal chez BPCE. Il faut com­pren­dre pour chaque méti­er le béné­fice qu’on peut retir­er de la data, com­ment l’exploiter et com­ment imag­in­er de nou­veaux ser­vices. Il y aura des fon­da­men­taux com­pliqués à remod­el­er, comme l’intégration du pré­dic­tif dans la rela­tion client, avant de pou­voir indus­tri­alis­er et refon­dre nos process. Néan­moins, les ban­ques ont com­pris que l’expérience était une pri­or­ité stratégique » affirme-t-il.

Au sein du Groupe BPCE, le con­seiller ban­caire ne s’oppose pas au ser­vice dig­i­tal. Il le com­plète. « Le dig­i­tal doit nous rap­procher de notre client, mais il y a dans le par­cours client des moments où le dig­i­tal est mieux adap­té, et d’autres où le client a besoin d’un con­seiller », ajoute-t-il. Auprès des Mil­lenials, les ban­ques tra­di­tion­nelles souf­frent pour­tant d’un manque d’appétence et se lais­sent con­cur­rencer par des appli­ca­tions d’un nou­veau genre, véri­ta­ble coach financier, dont la voca­tion est bien de rem­plac­er le con­seiller bancaire.

L’enjeu pour les ban­ques tra­di­tion­nelles serait donc de trou­ver le juste équili­bre, selon les pro­fils clients, entre leur réseau d’agences et leur offre de ser­vice dig­i­tal. Le mobile s’impose sans con­teste comme le canal d’acquisition et de fidéli­sa­tion essen­tiel et occupe un poids tou­jours plus impor­tant : « Un client qui a téléchargé l’application mobile con­sulte sa banque tous les 2 jours env­i­ron. Il y a une nou­velle inten­sité d’usage », con­state Yves Tyrode. Un con­stat partagé par For­rester : « On voit en France une accéléra­tion par les étab­lisse­ments ban­caires du développe­ment de leur appli­ca­tion mobile. Mais celle qui s’en sor­tent le mieux sont celles qui repensent l’ensemble de leur mod­èle», ajoute Aurélie L’Hostis.

Le con­ver­sa­tion­nel, piv­ot de la rela­tion client sur mobile

Le mobile ne peut être perçu par les ban­ques comme un sim­ple out­il de con­sul­ta­tion des comptes et de vente de ser­vices. Il est avant tout un canal rela­tion­nel et con­ver­sa­tion­nel, piv­ot de l’expérience client. « Il n’y a plus de con­ver­sa­tion­nel entre la banque et son client sans le mobile. Or la sphère du smart­phone fait appel à des com­pé­tences qui ne sont pas encore bien com­pris­es dans la banque et la finance », estime Gré­go­ry Des­fos­s­es, CDO de BNP Paribas Per­son­al Finance. En ligne de mire, la prise en compte d’une expéri­ence client glob­ale par la banque, qui sup­prime tous les points de fric­tions pos­si­bles : « La con­nex­ion temps réel est fon­da­men­tale. Lorsqu’on investit un bud­get mar­ket­ing pour l’acquisition, on doit pou­voir s’appuyer sur une appli­ca­tion sim­ple, rapi­de, effi­cace. Il faut pour cela que les aspects tech­nologiques pro­gressent de con­cert avec les besoins mar­ket­ing », pré­cise-t-il.

Le prin­ci­pal frein reste le cadre régle­men­taire par­ti­c­uli­er des ser­vices ban­caires. « La mes­sagerie instan­ta­née est le canal con­ver­sa­tion­nel priv­ilégié. Il con­tient des insights clients très impor­tants, facilite la rela­tion clien­tèle. Mais le cadre régle­men­taire ne nous per­met pas de dévelop­per ce canal en parte­nar­i­at avec What’s App ou Face­book Mes­sen­ger par exem­ple, car nous n’avons aucune cer­ti­tude sur le traite­ment des don­nées. On ne sait pas aujourd’hui quel scé­nario met­tre en place durable­ment pour faciliter le con­ver­sa­tion­nel sur mobile », explique Gré­go­ry Desfosses.

La don­née, au cœur de la trans­for­ma­tion bancaire

Seule cer­ti­tude, la don­née est l’enjeu fon­da­men­tal pour les ban­ques, le sésame vers une rela­tion client per­son­nal­isée, unifiée à tra­vers les canaux. « Pour la banque, c’est un sujet un peu par­ti­c­uli­er car nous manip­u­lons de la don­née au quo­ti­di­en. L’appétence du groupe pour la data est con­sid­érable. Pour­tant, nous en sommes au tout début et la data va rad­i­cale­ment trans­former nos métiers et nous oblig­er à adapter notre organ­i­sa­tion », ajoute Yves Tyrode. La trans­for­ma­tion dig­i­tale ban­caire est donc moins tech­nologique que cul­turelle et humaine. « La don­née issue du con­ver­sa­tion­nel per­met de flu­id­i­fi­er le for­mu­laire. Le nou­veau champ rela­tion­nel est fait d’agents con­ver­sa­tion­nels et d’analyse intel­li­gente de la data. C’est clé pour nous car nous devons rester proche de nos clients. En même temps, cela boule­verse les organ­i­sa­tions », admet Gré­go­ry Desfosses.

Le con­seiller et la don­née sont au cœur de la muta­tion dig­i­tale des ban­ques. La réus­site de leur trans­for­ma­tion repose sur leur con­nais­sance fine et pré­dic­tive des besoins de leurs clients et sur leur capac­ité à engager la con­ver­sa­tion avec eux, d’une manière flu­ide sur l’ensemble des canaux de communication.