Reflets : Pour fidéliser, la marque est prête à politiser son image !
Les marques n’hésitent plus à se positionner sur des sujets de société pour accompagner le consommateur dans ses engagements sociétaux. Que ce soit en défendant ou rejetant des propositions de lois ou en protégeant l’environnement par du lobbying publicitaire. Le mot « disruptif » devient un moteur de communication, une mise en avant d’images puissantes et intenses qui s’opposent frontalement aux instances dirigeantes.
Pour 73% des Français, « les entreprises ont plus de pouvoir que jamais pour transformer la société », selon l’Observatoire des marques dans la Cité de Havas Paris et CSA. Apple pèse désormais 900 milliards de dollars de capitalisation boursière, Samsung investit 14 milliards en R&D chaque année soit autant que l’État français, Toyota est plus riche que la Grèce, et le Danemark a nommé en 2018 un ambassadeur pour représenter ses intérêts auprès des GAFA. En parallèle, les photos sont devenues plus fortes, plus puissantes, usant voire abusant du noir et blanc, des gros plans, des portraits, des images chocs voire violentes pour sensibiliser toujours plus l’audience à une cause planétaire, sociale, environnementale et/ou politique.
L’heure est à la mobilisation et les photos n’ont jamais été aussi utiles pour servir ce nouveau militantisme. Tout le monde est concerné, même les marques s’y mettent. « _Les marques ont une voix sur la place publique, elles sont des employeurs, des acteurs de l’économie. Par leurs actions, elles influent sur la vie du pays, la balance économique et sociale, la culture, l’écologie, et même la politique via le lobbying ou juste leur poids dans l’économie. Donc quoi qu’il arrive, les entreprises sont déjà engagées en politique. Elles agissent. Même si, selon moi, elles ne le font pas assez ! _», décrypte Dimitri Guerassimov, COO et directeur de création chez Serviceplan.
Il prend comme exemple Carrefour et sa campagne européenne « Black Super Market » signée Marcel qui a contribué à changer la loi sur la culture des semences paysannes. Les images défilent en noir et blanc, les visages des agriculteurs sont graves, seuls les légumes issus de graines interdites à la vente sont en couleur. Intermarché avait aussi marqué les esprits avec sa campagne « Les fruits et légumes moches » (Marcel) pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Les affiches comme les photos mettent en valeur les légumes imparfaits avec un discours militant misant sur la transparence du goût et de la qualité le tout sur fond sonore de musique classique anoblissante pour les spots TV.
https://blog.adobe.com/media_5cc4f9352b5567743efbe1b146f2b5a178ba078c.gif
Image source : Carlos David / Adobe Stock ; Lien visuel : https://adobe.ly/2ySo3Zq
DONNER L’EXEMPLE
Même tonalité engagée et poignante chez Andros avec sa campagne « Autism can work » imaginée par l’agence Serviceplan. Edouard Philippe a même cité la marque en exemple à l’Assemblée Nationale pour démontrer que les personnes atteintes d’autisme peuvent être une force productive pour la société en travaillant comme dans l’usine Novandie d’Andros. Trois ans après la campagne, pour encourager les autres entreprises à faire de même, Andros et Serviceplan ont lancé «Autism Can Work», un programme de soins et de carrières sous forme de plateforme d’outils numériques dédiée aux recruteurs. L’accent iconographique est mis sur les autistes avec des gros plans sur leurs visages – la plupart souriants – et des arrière-plans illustrant des lieux de travail.
« Les marques ne peuvent plus ne pas s’engager. Les visuels qu’elles véhiculent aujourd’hui traduisent une ère de la preuve avec une volonté de transparence mais aussi une volonté de proximité avec ses consommateurs en partageant les mêmes valeurs et les mêmes convictions », observe Hélène Ortola, DGA de Disko. Elle illustre ses propos en citant une campagne de conscientisation plutôt RSE sur laquelle a travaillé son agence en novembre 2018 pour Nature & Découvertes. Baptisée « Fair Friday » en écho au « Black Friday », l’enseigne a voulu mettre l’accent sur des images chocs et des discours poignants pour sensibiliser sa cible sur la biodiversité menacée.
DÉFENDRE DES CAUSES PLANÉTAIRES
Pour sensibiliser le grand public français à la surconsommation de viande en 2018, l’agence 84.Paris a réalisé pour Greenpeace France un clip de rap reprenant les codes des années 90. Baptisé « Notorious Pig » – en référence au légendaire rappeur américain Notorious Big – ce spot publicitaire casse les codes en misant sur des visuels street art et un morceau de musique divertissant et humoristique pour faire passer un message pourtant très sérieux.
On se souvient aussi d’une autre campagne de renommée mondiale, saluée par de nombreuses ONG, imaginée par Host/Havas pour les autorités de l’archipel des Palaos situé en Micronésie dans l’ouest de l’océan Pacifique. Pour lutter contre la catastrophe écologique qui les menace à cause du tourisme, ils ont lancé le projet « Palau Plegde » en apposant un tampon spécial dans les passeports des touristes. Ce dernier comprend une liste de bonnes conduites à respecter pour contribuer à sauvegarder leur environnement et à la fin un espace dans lequel chaque personne doit signer pour approuver les conditions d’entrée obligatoires dans l’archipel.
La force de ces campagnes engagées politiquement réside dans leur capacité à sortir des formats de communication classiques pour renforcer l’impact de leur message. C’est en allant sur des territoires inattendus que les créatifs créent la surprise et marquent les esprits.
Pour en savoir plus sur la tendance Expression Disruptive, lisez sans plus attendre :
- Reflets : Quand la créativité publicitaire radicalise les marques
- Reflets : Quand la pub réconcilie le citoyen et le consom’acteur
—