Reflets : Quand la créativité publicitaire radicalise les marques

Le consommateur veut une cause, un engagement et attend des marques un comportement similaire. Elles doivent désormais montrer une forme de radicalisme dans leur communication. L’image doit être expressive et revendicatrice.

Dans le monde de la création publicitaire, réaliser une campagne print et digitale pour 5,9 tonnes de CO2 relève de l’exploit écolo. C’est trois fois inférieur à la moyenne. En 2015, cette performance radicale signée Fred&Farid Paris pour Biocoop répondait à une seule ambition : avoir une communication qui soit le reflet des engagements de la marque. En l’occurrence, une agriculture biologique toujours plus responsable. Pour l’agence, la contrainte de réaliser une campagne totalement éco-responsable a permis de créer un univers visuel unique, façon vieux film de famille en 8 millimètres, en utilisant des moyens de production artisanaux et totalement analogiques. C’était il y a quatre ans.

Depuis, le consommateur s’est encore plus radicalisé, obligeant les marques à sortir de leurs zones de confort pour construire des univers pensés pour toucher le citoyen en influençant d’abord le consommateur. « Pour convaincre ce nouveau consommateur, identité visuelle et quête de sens peuvent cohabiter. Selon les sujets, les créatifs intègrent cette « contrainte » dans leur processus de production. Par exemple, la création de l’identité graphique de Citeo, acteur majeur du tri-sélectif, a été imaginée pour utiliser le moins d’encre possible. Il en résulte une typographie très identifiable, mais aussi porteuse de sens », explique Alexandre Drouillard, Directeur de la création chez ici Barbès.

BENETTON, LE RETOUR DE BOOMERANG QUI INTERROGE

« Visuellement, il y a quelque chose qui est de l’ordre du retour au réel », constate André Mazal, directeur du planning stratégique chez BETC Luxe Paris. Dans cette redéfinition des rôles et des codes, difficile selon lui de trouver mieux en post #metoo que Gillette, qui est allée en début d’année jusqu’à ré-écrire son slogan « Ce qu’il y a de meilleur dans un homme ». Comment définir le spot réalisé par Kim Gehrig de l’agence This Girl Can ?

« Sur-démonstratif, scolaire, long et hybride avec des inserts de réalité. Des vieilles images qu’on dirait presque volées. Comme si une esthétique du bricolage devait renforcer l’effet de réalité », commente André Mazal.

Pour vanter l’égalitarisme sexuel dans le sport et conforter la stratégie de positionnement publicitaire militant de Nike entamés avec la campagne Dream Crazy, Wieden + Kennedy a joué elle sur une compilation d’images d’archives dans le film « Dream Crazier ». Parce que nous sommes au 21è siècle et que la pub emboîte le pas du consommateur, Mercedes aussi casse les préjugés avec son film « Justify Nothing ». Ou l’histoire touchante d’un grand-père aidant donnant une leçon de vie à sa petite fille sur fond visuel de flashbacks autobiographiques.

Paradoxalement, quand une marque comme Benetton – qui a pourtant été fortement sociétale avant tout le monde – glisse des photos brutes d’un sauvetage en mer de migrants dans deux quotidiens italiens, le citoyen lui reproche son opportunisme. «_ Est-ce parce que l’on accorde ce droit aux marques qui vont bien alors que Benetton est aujourd’hui plus en difficulté? Il faudrait être au top de sa forme pour s’autoriser ce regard ?_ », s’interroge André Mazal.

Image source : Renaschild / Adobe Stock ; Source : https://adobe.ly/33rSi7Y

BURGER KING EN PARANGON DE L’ESTHÉTIQUE PHOTO-JOURNALISME

Face à une quête d’expérience engagée et de confrontation au réel du consommateur exigeant plus radical et moins facile, un format visuel s’est imposé depuis deux ans comme une tendance forte : l’esthétique photo-journalisme. Dans ce genre, Burger King, frappe très fort avec « Burning stores », de l’agence David Miami : une campagne qui a poussé l’effet de réalité jusqu’à inclure dans sa communication « ce que l’on ne montre pas », en proposant des visuels de ses magasins en feu pour donner la preuve que la viande est bien grillée sur place. Pas de « stunt fake » ici, mais la caution réelle de l’image de reportage que l’on iconise dans une utilisation classique d’un média print apte à porter ces images puissantes qui interpellent.

« Cet exemple a tout pour lui : l’utilisation d’une image brute d’actualité frappante ; l’ironie du choix qui fait appel à une preuve par l’absurde ; le jeu que cela induit avec le consommateur censé avoir une lecture positive d’une image négative. Et inconsciemment cela raconte le jusqu’au-boutisme d’une marque ” prête à tout ” », développe André Mazal.

PLUTÔT QUE DE S’INSPIRER DE L’ART, CRÉONS NOS PROPRES CODES

Justement, dans ce jusqu’au-boutisme assumé, est-ce que l’art engagé, politiquement et socialement, peut être une inspiration créative primordiale ? « Il faut être prudent. Dans nos industries créatives publicitaires, pomper l’art est plutôt mal vu. Pomper l’art engagé l’est d’autant plus. À notre manière, nous sommes aussi des créateurs d’images qui sont reprises par les militants et les consommateurs engagés, répond Alexandre Drouillard. Plutôt que de s’inspirer de l’art, je pense que l’on doit créer nos propres codes. D’ailleurs dans les manifestations pour le climat par exemple, on voit souvent des manifestants brandir des pancartes avec des visuels publicitaires détournés ».

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