Etienne Mineur : « Je raisonne par l’image »

Etienne Mineur fait partie des grands artisans de l’interaction numérique en France. Liés intimement à son mode de pensée, les carnets l’ont toujours accompagné dans ses processus créatifs. Depuis une dizaine d’années il travaille au rapprochement du papier et du numérique. Rencontre avec un personnage bouillonnant et toujours autant émerveillé.

Tu as débuté dans le numérique et aujourd’hui tu travailles beaucoup avec le papier, ce qui pourrait paraître totalement anachronique. Comment expliques-tu ce cheminement ?

A la fin des années 80 j’ai fait l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs en design graphique, avec une forte spécialisation en typographie, et donc une approche classique où le papier était une composante incontournable. Mais le hasard a fait que dès ma sortie de l’école je suis tombé dans ce qu’on appelait vulgairement à l’époque les supports informatiques. J’ai commencé tout de suite à m’intéresser aux interfaces graphiques et à l’interactivité, d’abord sur les bornes interactives, puis sur les CDROM.

Ce n’est que depuis une dizaine d’années que je suis revenu au papier. Même si dans la réalité je n’avais jamais travaillé dans l’édition papier ! Avec Volumique (ndlr : maison d’édition et studio d’invention d’Etienne), il y a une forte dimension narrative : j’essaye de raconter des histoires avec les nouveaux objets de notre quotidien, en mélangeant le numérique et le papier.

Tu as des dizaines de carnets de toutes tailles et de toutes formes. Ils sont tous totalement remplis. Cette relation au carnet n’est pas une histoire nouvelle…

Non en effet ! C’est ce qui est paradoxal. Le numérique a été omniprésent dans ma vie professionnelle depuis plus de 20 ans, et malgré cela les carnets m’ont toujours accompagné. La raison est simple : ils sont absolument essentiels dans mon processus de réflexion. Je réfléchis en dessinant ou en écrivant. Avec le papier, le geste est important et il me permet de développer mes idées en les dessinant. Il ne faut pas oublier que je suis graphiste. Je raisonne par l’image : une image m’amène à une autre image qui m’amène à une autre image. En ce qui me concerne, tous mes projets partent du papier. Et puis, comme pour beaucoup d’entre nous, les carnets sont une assurance de ne pas oublier. Les idées partent aussi vite qu’elles arrivent, et le carnet reste encore l’outil le plus efficace pour ne rien perdre. Pour leur part, les outils numériques arrivent quand je passe en mode exécution. Donc j’alterne régulièrement entre le numérique et le papier, vers lequel je reviens pour faire une pause ou prendre du temps pour affiner une réflexion.

Tu travailles en ce moment sur le concept de « spirogami ». Peux-tu mous dire quelques mots sur ce projet ?

Spirogami est la contraction des mots « spirale » et « origami ». Au tout départ, l’idée était de faire des jeux gratuits « print & play » en papier sous forme de PDF, donc en 2D. Avec deux contraintes : utiliser une feuille A4 et ne pas utiliser de colle. Et puis en dessinant dans mes carnets, le projet a évolué vers des objets en volume, de plus en plus complexes. L’appui du numérique a d’ailleurs été essentiel pour la réussite de ce projet : la finesse des gabarits, la précision des mesures et leur incidence sur la découpe auraient été très difficilement atteignable sans Illustrator…

Tes carnets sont clairement l’expression d’un bouillonnement intense ! Un conseil pour les jeunes créatifs ?

Oui : garder le côté émerveillé qui entraine la rêverie !