Nadège Bide : « Les croquis soulignent une attitude et une intention »
Après des débuts de carrière dans le design produit dans le secteur de la mode et du textile, Nadège Bide s’est orientée vers le UX. Du tissu à l’interaction numérique, elle n’a jamais abandonné ses carnets de croquis. Retour sur 19 ans d’inspiration sous toute ses formes, du papier à la tablette.
Quel est ton parcours et comment les carnets de dessins ont accompagné ta créativité ?
Je suis designer depuis 19 ans. J’ai débuté ma carrière dans le design de produits, spécifiquement dans le design textile et le design de mode. Et puis il y a 7 ans je me suis orientée vers le design numérique et interactif en temps que Head of UX chez vNext. J’ai donc une approche design plutôt globale.
J’ai toujours eu des carnets et j’ai toujours dessiné. Ça tient pour beaucoup à ma formation initiale : un designer apprend à dessiner parce ce que sa main est son outil de travail, et le dessin sa façon de passer des idées. Donc avoir un carnet sur moi est une habitude qui ne m’a jamais quittée.
De plus, les idées peuvent survenir à n’importe quel moment, même quand on n’a pas un ordinateur ou une tablette sous la main. Jusqu’à preuve du contraire, le carnet et les crayons sont les « dispositifs » les plus portables, les plus efficaces et les plus simples à trouver. Qui n’a jamais crayonné sur un coin de nappe au restaurant ? Bien sûr, il y a l’aspect émotionnel et physique du papier et du crayon qu’on ne retrouve pas encore avec les supports numériques.
Tu as des quantités impressionnantes de carnets. Ils sont très différents les uns des autres. Comment les utilises-tu ?
J’utilise plein de carnets en même temps ! Le dessin et le croquis sont pour moi une façon de réfléchir, de fixer des idées. J’ai beaucoup de carnets remplis de croquis que je nomme « gling ». Leur principe est inspiré des croquis de Jean Paul Goude : ils sont réalisés très rapidement pour expliquer aux autres l’idée qu’on a en tête. Mes croquis ne sont pas finis, pas forcément beaux, mais ils soulignent une attitude et une intention.
Mes carnets ne sont pas consacrés exclusivement aux croquis. Quand je travaillais comme styliste, j’utilisais les carnets de façon très composite en mélangeant des collages d’images, des textiles, des dessins, des ambiances de couleurs, des figurines, des notes… Ces mélanges étaient souvent repris dans des créations d’imprimés ou des associations de tissus par exemple. Toute cette documentation a une vocation inspirationnelle. Le croquis me sert à formaliser une idée, à réfléchir, mais il me sert aussi à fixer des choses qui m’inspirent.
Dessiner me permet également de rentrer autrement dans une œuvre. On comprend mieux des formes, des associations de matière ou de couleurs. En dessinant on rentre autrement dans un processus créatif et on découvre de nouvelles choses comme le geste de l’artiste, par exemple.
Ton métier est aujourd’hui orienté vers le numérique. Comment concilies-tu le papier et la tablette ?
Aujourd’hui, je dessine principalement pour le plaisir. C’est un exercice que je pratique un peu moins qu’avant. Mais malgré mes outils numériques je conserve toujours des carnets. Rationnellement ça serait formidable si je pouvais tout passer en numérique pour des raisons de place, de stockage, d’archivage, de classement et de réexploitation. Pour mes activités professionnelles c’est bien entendu vers le tout numérique que je m’oriente, et c’est très pratique. Les outils de prototypage sont de plus en plus puissants et facilitent le travail collaboratif avec les équipes. Je continue néanmoins à crayonner des idées à la main car c’est toujours un moyen d’expression rapide avec mes équipes ou un client.
Sur un plan personnel, comme beaucoup d’entre nous je suppose, j’ai un attachement très fort avec la matière, les différentes nuances de papier ou crayons même si je dois avouer qu’il y a une très impressionnante progression du côté des applications créatives. J’ai récemment utilisé Adobe Fresco et j’ai retrouvé les sensations que j’éprouvais lors de mes premiers cours de dessin. Une sorte de perte de contrôle qui m’a beaucoup plu. Au-delà du manque de maitrise, c’est intéressant de retrouver cette approche parfois un peu aléatoire que l’on a souvent avec les outils analogiques.